Egypte : une journaliste perd son accréditation pour avoir remis en question le bilan officiel du coronavirus dans un article

Une journaliste du quotidien britannique The Guardian a vu son accréditation retirée par les autorités égyptiennes, à la suite d'un article sur l’ampleur réelle de l’épidémie de coronavirus dans le pays. Son confrère du New York Times a été rappelé à l’ordre. Reporters sans frontières (RSF) dénonce des sanctions disproportionnées et des abus de pouvoir.

Les autorités égyptiennes ont décidé de retirer, le 16 mars, l'accréditation de la correspondante du Guardian Ruth Michaelson pour avoir publié des chiffres "exagérés" sur l’épidémie de coronavirus dans le pays. Son article expliquait que le chiffre officiel des personnes contaminées était probablement en deçà de la réalité, et citait une étude scientifique canadienne estimant que l’Egypte compterait en réalité plus de 19 000 cas, au lieu d’une centaine selon les autorités.


Dans un communiqué officiel, le State Information Service (SIS), l’organisme égyptien chargé d’octroyer les accréditations aux journalistes, estime que l’article constitue une "violation de toutes les lois sur le travail journalistique reconnues en Egypte et dans le monde" et "une tromperie délibérée sur un sujet grave". Le SIS a aussi exigé les excuses officielles du Guardian. De son côté, le quotidien, cité par l’AFP, dit s’être fondé sur "des conclusions scientifiques d’experts crédibles en maladies infectieuses" et assure avoir "donné aux autorités égyptiennes la possibilité de réagir".


"Cette sanction est disproportionnée, dénonce Sabrina Bennoui, responsable du bureau Moyen-Orient à Reporters sans frontières (RSF). En profitant de la crise de l’information liée au coronavirus, les autorités abusent de leurs prérogatives et cherchent à contrôler le travail des journalistes via ses organes de régulation le State Information Service et le Conseil suprême de régulation des médias."


Toujours le 16 mars, le SIS indique avoir convoqué le correspondant du New York Times Declan Walsh, pour avoir retweeté une publication du médecin auteur de l’étude citée par le Guardian. Le journaliste irlandais a écopé d’un rappel à l’ordre, et a préféré supprimer son retweet.


Les journalistes locaux sont eux aussi empêchés de faire leur travail de couverture de l’épidémie. Le Conseil suprême de régulation des médias a suspendu des pages et sites Internet d'information, pour six mois pour "diffusion de fausses nouvelles" et poursuivi leurs propriétaires. Il a aussi mis en place un numéro de téléphone pour le signalement de pages diffusant des informations "de nature à susciter l’inquiétude de l’opinion publique"


En septembre 2019, le Conseil avait bloqué les sites de la BBC et de la chaîne de télévision américaine en arabe Al-Hurra pour "diffusion de fausses nouvelles" dans le cadre de leur couverture des manifestations antigouvernementales, rapidement étouffées.


L’Egypte occupe la 163e place au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF.

Publié le
Updated on 18.03.2020