Une nouvelle donne pour la crédibilité de l’information : RSF et ses partenaires publient les standards JTI pour le journalisme

Le 19 décembre 2019, le Comité européen de normalisation (CEN) a officiellement livré le document de normalisation que la « Journalism Trust Initiative » (JTI) a développé au cours de ces deux dernières années. Lancée par Reporters sans frontières (RSF) en collaboration avec ses partenaires, l’Agence France-Presse (AFP), l’Union européenne de radio-télévision (UER) et le Global Editors Network (GEN), la phase préparatoire du JTI a rassemblé plus de 120 spécialistes et institutions.


Disponibles à partir du 19 décembre, les standards de la « Journalism Trust Initiative » constituent un outil pour favoriser la transparence et la responsabilité des médias, mais aussi pour encourager et récompenser le respect des principes et méthodes professionnels. Son élaboration, initiée par Reporters sans frontières (RSF), a bénéficié de l’ingéniérie de l’AFNOR, l’organisme de normalisation française, et du soutien de son homologue allemand, le DIN, agissant pour le compte du Comité européen de normalisation (CEN).

 

Sur une période de 14 mois, un groupe dédié constitué de plus de 100 organisations a rédigé le texte définitif par consensus. Lors d’une phase de consultation publique, la version provisoire a donné lieu à plus de 200 commentaires, dont la plupart ont été intégrés au document final, en totalité ou en partie. Ce document a ensuite été adopté à une très large majorité, avec un vote contre et deux abstentions, en session plénière à Bruxelles le 22 novembre 2019.

 

Référence en matière d’auto-évaluation et de déclaration volontaire, les standards JTI présentent 18 clauses allant de la propriété et des sources de revenus au processus éditorial, en passant par des sujets comme les pratiques de correction, l’affichage du contenu sponsorisé, et la garantie d’exactitude. Chaque journal ou agence de presse, chaîne télévisée ou station de radio, site internet ou blog peut l’utiliser comme une liste de principes pour établir un diagnostic interne complet de sa chaîne de fabrication et, si nécessaire, pour l’optimiser. Les médias sont encouragés à répondre aux standards JTI et à se montrer transparents à ce sujet. Une conformité totale est susceptible d’être validée par un audit externe, comme c’est l’usage dans de nombreux secteurs.

 

Le journalisme digne de ce nom doit être clairement identifié, par le lecteur comme par les algorithmes. C’est la raison pour laquelle la JTI a traduit la plupart des normes professionnelles existantes en code lisible par les machines. Au niveau de la production journalistique, ces critères communs de qualité et d’indépendance servent la transparence et contribuent au rétablissement de la confiance. À cette fin, la JTI fournit des indicateurs permettant aux médias de s’autoévaluer et de procéder à leur mise en oeuvre – et aux citoyens, aux annonceurs et aux régulateurs de le reconnaître et de le récompenser. 

 

La JTI répond à une demande. L’indexation, le classement et la distribution de l’information par le biais d’algorithmes, en particulier par les plateformes de réseaux sociaux et autres sociétés de technologie, font l’objet d’une attention croissante. Or l’externalisation de ce processus et de cette source, le contrôle et le développement indépendants des critères sous-jacents sont une alternative possible grâce à la JTI. Facebook et Google ont tous deux rejoint les intervenants au début du projet et ont apporté leur contribution, notamment sur la lisibilité par machines du document de normalisation.

 

Des acteurs du développement des médias, ainsi que des organisations de régulation et d’autorégulation comme les conseils de presse ont également participé au projet et considèrent aujourd’hui la norme JTI comme un précieux outil leur permettant de mieux assurer leurs fonctions. Enfin, les annonceurs ont exprimé leur intérêt pour les critères et les indicateurs pouvant orienter leurs dépenses vers des environnements en ligne plus sûrs, afin de protéger l’intégrité de leurs marques et, aussi, de contribuer à renforcer le journalisme digne de ce nom.

 

La JTI a été mise en œuvre afin que cette demande croissante se transforme en avantages concrets pour les médias ayant décidé d’appliquer cette norme. Le respect des normes professionnelles constitue un investissement qui doit être rentable en termes de confiance du public, de portée et de visibilité, de limitation de responsabilité et, au bout du compte, de meilleure santé économique. L’approche volontaire, autorégulatrice et multipartite de la « normalisation » officielle témoigne tous les jours du bien-fondé de cette logique dans d’autres secteurs à travers le monde. C’est un mécanisme éprouvé et évolutif que la JTI rend aujourd’hui accessible à tout média, quelle que soit sa taille. Dans l’espace de l’information, les acteurs qui font preuve d’éthique et de professionnalisme méritent un avantage concurrentiel que la JTI facilite très concrètement.

 

Après un texte provisoire et une phase pilote en 2019, RSF et ses partenaires vont affiner un outil en ligne pour une auto-évaluation de la JTI. À cela s’ajoutera le développement d’un mécanisme d’audits indépendants. Cette deuxième phase commence dès à présent.

 

Le document de normalisation est disponible ici.

 

Plus d’informations sur la JTI ici.

 

Témoignages :

« Le besoin de médias libres, indépendants et dignes de confiance n’a jamais été aussi vital que dans les circonstances politiques et sociales actuelles, où nous assistons à la prolifération de la désinformation et à une augmentation déconcertante des tentatives d’étouffement de la représentation indépendante. C’est la raison pour laquelle l’UER a été un partenaire enthousiaste et engagé de ce projet si nécessaire, qui promeut des normes claires d’exactitude, d’impartialité et de confiance. Ce sont des valeurs essentielles pour les sociétés démocratiques – et pour un service public d’information solide. »

Noel Curran, directeur général de l’UER.

 

« Les algorithmes intelligents devraient servir les informations et les reportages en ligne obéissant à une haute qualité éditoriale – et pas seulement ceux qui parlent le plus fort ! C’est pourquoi nous soutenons la Journalism Trust Initiative, qui s’attaque aux liens entre journalisme de confiance et algorithmes en élaborant des indicateurs transparents. »

Olivier Fahlbusch, responsable du département Corporate de RTL Group.

 

"Le projet JTI a permis à ses participants de différents environnements médiatiques de réfléchir en profondeur sur le thème de la confiance dans le journalisme. Nous souhaitons maintenant encourager un public beaucoup plus large à faire de même.

"À quelles sources d'information pouvons-nous faire confiance"? Pour ceux qui se posent cette question et souhaitent faire un choix responsable et actif dans les informations qu'ils décident de publier - ou comptent sur, s'ils sont des consommateurs - la norme JTI offre la possibilité d'approuver et de promouvoir des fournisseurs d'informations dignes de confiance. "

Anne Raynaud, rédactrice en chef technique à l'AFP (Agence France-Presse) 

 

« En tant que délégué du Conseil de presse suisse et de l’association suisse des journalistes Impressum, j’ai trouvé le processus inclusif de la JTI fascinant. Cela a été un privilège de partager points de vue et perspectives avec des personnes aux parcours si différents, dans le but d’arriver à une compréhension commune de ce qui constituent les piliers d’un journalisme de confiance dans l’industrie des médias actuelle. »

Michel Bührer, journaliste et photographe.

 

« À une époque où le paysage médiatique numérique est envahi par la désinformation et la propagande, les médias professionnels doivent passer à la vitesse supérieure pour garantir un environnement journalistique sain. En encourageant la responsabilité publique et le respect de normes éthiques, nous pensons que la JTI peut contribuer à sauvegarder un journalisme de qualité à l’ère numérique. »

Pontus Ahlkvist, rédacteur au service étranger à TT News Agency, Suède.

 

« Les consommateurs et les citoyens ont besoin de savoir s’ils peuvent se fier aux sources d’information qu’ils reçoivent. Nous pensons que les normes de la JTI (CWA) leur garantissent qu’ils peuvent faire confiance aux sources des informations qu’ils lisent. »

Chiara Giovannini, secrétaire générale adjointe à l’ANEC (Association européenne pour la coordination de la représentation des consommateurs pour la normalisation).

 

« Dans le système actuel, régi par des algorithmes développés par les moteurs de recherche et les réseaux sociaux, les informations fausses ou non fiables circulent plus rapidement que les vraies. Nous espérons que la publication de cet accord du CEN sur la normalisation initié par notre partenaire RSF contribuera à inverser cette tendance en donnant un avantage concret à ceux qui produisent et diffusent l’information d’une manière fiable. Dans ce secteur comme dans tant d’autres, la normalisation volontaire a un rôle crucial à jouer pour favoriser la confiance : en liant les enjeux économiques aux questions déontologiques, le mécanisme d’autorégulation de la JTI permettra aux acteurs de l’information de contribuer à l’intégrité du débat public d’une manière volontaire et spontanée, mais non moins efficace. »

Olivier Peyrat, directeur général du groupe Afnor.

 

« Les fausses informations constituent une menace croissante pour nos démocraties. Des outils solides sont nécessaires pour protéger les citoyens contre leur prolifération. La JTI en est clairement un, qui contribuerait fortement à encourager les citoyens à se tourner vers un journalisme honnête. »

Monique Goyens, directrice générale du BEUC, Le Bureau européen des unions de consommateurs.

 

« Le public a le droit de savoir comment les médias fonctionnent, et à cette fin la JTI travaille à la création de normes communément reconnues. Nous soutenons ces efforts vers une plus grande transparence et une plus grande responsabilité. »

Dale Bechtel, membre du comité éditorial de SWI swissinfo.ch, portail d’informations suisse.

 

« Le paysage médiatique évolue à un rythme sans précédent, ce qui crée de nouvelles opportunités mais aussi d’importants changements dans la manière dont nous délivrons l’information. Comme les technologies basées sur les données exercent un impact plus important sur la création et la diffusion de notre production journalistique, les journalistes et les organisations de service public ont besoin d’outils capables d’assurer une information de qualité. Les contenus du service public sont clairement identifiables, visibles et accessibles. L’outil de normalisation de la JTI peut y contribuer et fournira des indicateurs solides pour assurer un respect pérenne des plus hautes normes journalistiques et de l’éthique de l’information. »

Justyna Kurczabinska, secrétaire du Comité des actualité à l’UER.

À propos :

Reporters sans frontières (RSF) est l’une des principales ONG de défense et de promotion de la liberté d’information dans le monde. RSF est enregistrée en France en tant qu’association à but non lucratif. Elle dotée d’un statut consultatif aux Nations unies, à l’UNESCO et au Conseil de l’Europe. Des sections étrangères, des bureaux dans treize villes et un réseau de correspondants dans 130 pays lui donnent la capacité de sensibiliser le public, de mobiliser des soutiens et d’influencer des dirigeants à la fois sur des cas individuels et sur des politiques générales.

L’Union européenne de radio-télévision (UER) est la première alliance mondiale des médias de service public (MSP). Sa mission est de rendre le MSP indispensable. L’UER représente 117 organisations membres dans 56 pays d’Europe, du Moyen-Orient et d’Afrique, et compte 34 autres organisations associées en Asie, en Afrique, en Australasie et en Amérique. L’UER exploite les services Eurovision et Euroradio.

Fondée en 1835, l’Agence France-Presse (AFP) est la troisième plus grande agence de presse internationale et offre une couverture rapide, précise et approfondie des événements qui façonnent notre monde. Créée par le Parlement français, c’est une entité autonome dont l’indépendance est au cœur de ses obligations fondamentales.

L’Association française de normalisation (AFNOR) est l’organisation française de référence pour les normes volontaires. Elle élabore des normes à la demande et développe des solutions pour favoriser le progrès et la crédibilité. Association à but non lucratif, elle a pour missions d'intérêt général d'animer et de coordonner le système français de normalisation, de promouvoir les positions françaises au sein des organismes de normalisation européens (CEN/CENELEC) et internationaux (ISO/CEI), d'élaborer et de publier des normes nationales françaises.

Le Deutsches Institut für Normung (DIN), l'Institut allemand de normalisation, est la plateforme indépendante pour la normalisation en Allemagne et dans le monde. En tant que partenaire de l'industrie, de la recherche et de la société dans son ensemble, le DIN joue un rôle majeur en ouvrant la voie aux innovations et en favorisant le progrès grâce à des normes et spécifications axées sur le marché qui encouragent le commerce mondial, l'assurance qualité et la protection de l’environnement tout en améliorant la sécurité et la communication.

Le Comité européen de normalisation (CEN) est une association qui regroupe les organismes nationaux de normalisation de 34 pays européens. Le CEN est l'un des trois organismes européens de normalisation officiellement reconnus par l'Union européenne et par l'Association européenne de libre-échange (AELE) pour l'élaboration et la définition de normes volontaires au niveau européen.

Publié le
Mise à jour le 09.01.2020

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