Une journaliste accusée de “promotion du terrorisme”

Lire en arabe (بالعربية) Reporters sans frontières exprime sa vive inquiétude quant aux poursuites lancées à l’encontre de la journaliste Dina Abdel Fattah, un cas révélateur de la dégradation de la liberté de l’information dans le pays. Présentatrice de l’émission politique “Al-Shaab Yourid” (“Le peuple veut”) diffusée sur la chaîne Al-Tahrir, la journaliste fait l’objet d’une enquête pour avoir fait venir sur le plateau de son émission des membres des “Black Bloc”, un mouvement de protestation né récemment, devenu la bête noire des autorités égyptiennes. Dina Abdel Fattah a été convoquée par le bureau du Procureur général pour un interrogatoire le 10 février 2013, en compagnie de son collègue le journaliste Khairi Hassan, l’un des producteurs de l’émission. Ils ont tous deux été relâchés le jour-même, moyennant une caution de 5 000 livres égyptiennes (570 euros) chacun, versée par le syndicat des journalistes. Le Procureur a ouvert une enquête pour “promotion du terrorisme”, affirmant avoir reçu alors 238 plaintes contre la journaliste dans cette même affaire. Des membres du Conseil de la Shura (la Chambre du Parlement), qui ont dénoncé l’émission, la qualifiant de “menace pour l’ordre public” et “d’incitation au vandalisme”, ont également déposé plainte. De nombreux journalistes, ONG et avocats ont aussitôt pris la défense de la journaliste. Reporters sans frontières exige l’abandon de l’enquête visant Dina Abdel Fattah. “Nous dénonçons les mesures liberticides prises par l’administration égyptienne à l’encontre des professionnels des médias. Ces derniers doivent pouvoir couvrir les nouveaux mouvements de protestation qui secouent le pays, que cela plaise aux autorités ou non. Bâillonner la presse renforce l’instabilité. Depuis l’élection de Mohamed Morsi, le nombre de plaintes à l’encontre de journalistes a littéralement explosé. Les enquêtes et procès visent clairement à restreindre la liberté de l’information. Nous demandons aux autorités de mettre un terme à la politique de répression vis-à-vis des journalistes et acteurs de l’information”, a déclaré l’organisation. Le 24 février dernier, après l’annulation de son programme “Al-Shaab Yourid” par la direction de la chaîne, Dina Abdel Fattah a annoncé sa démission, entendant ainsi protester contre la violation de la liberté de l’information dont elle est victime. D’après le président du Syndicat Egyptien des Médias, Al-Sayed El-Shazli, il est probable que les autorités aient intimé l’ordre à la direction d’Al-Tahrir de ne pas diffuser l’émission. La chaîne égyptienne, née au lendemain de la révolution de 2011, avait à ses débuts l’ambition d’incarner les aspirations des révolutions arabes. Elle a pourtant connu un changement de sa politique éditoriale, et perdu dans le même temps certaines de ses figures emblématiques, qui ont toutes choisi de démissionner : Mahmoud Saad, Belal Fadl, Amr El-Leithy, Hamdy Kandeel, Doaa Sultan, Ibrahim Eissa, Dina Abdel Rahman et enfin Dina Abdel Fattah. Reporters sans frontières rappelle que l’Egypte est classée 158ème sur 179 pays dans le classement mondial de la liberté de la presse publié par l’organisation cette année.
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Updated on 20.01.2016