Une cinquantaine de journalistes interpellés en deux jours au Bélarus
Une cinquantaine de journalistes interpellés en deux jours, des peines de prison pour au moins cinq d’entre eux : la répression à l’encontre de la presse prend un tour massif au Bélarus. Reporters sans frontières (RSF) condamne avec la plus grande fermeté ce harcèlement systématique et appelle la communauté internationale à tenir Minsk comptable de ses agissements.
La répression a brutalement changé d’échelle au Bélarus. Pas moins de 49 journalistes et blogueurs ont été interpellés en couvrant des manifestations à travers tout le pays, les 25 et 26 mars 2017. Ce qui porte à une centaine le nombre d’interpellations depuis le 10 mars, en marge d’un vaste mouvement de protestation antigouvernementale. Le 27 mars, cinq journalistes ont été condamnés à des peines de prison ferme pour “hooliganisme” et “participation à des rassemblements non-autorisés”. L’ampleur de la répression, tout comme celle des manifestations, est inédite depuis 2011. Elle met brutalement un terme à la très relative accalmie consentie par le régime d’Alexandre Loukachenko depuis deux ans, dans le cadre de son rapprochement avec l’Union européenne.
“Ce harcèlement policier brutal et systématique constitue une violation patente de la liberté de la presse et du droit à l’information des citoyens bélarusses, dénonce Johann Bihr, responsable du bureau Europe de l’est et Asie centrale de RSF. Nous demandons instamment à la communauté internationale de faire pression sur Minsk pour obtenir la libération immédiate des journalistes incarcérés alors qu’ils faisaient leur travail, l’abandon des poursuites à leur encontre et le respect de la liberté de la presse. Ces exactions massives soulignent le besoin impérieux de soumettre tout rapprochement avec le Bélarus à de strictes conditions en matière de respect des droits de l’homme.”
Arrestations massives
Le 25 mars 2017 restera comme une journée noire pour la liberté de la presse au Bélarus. La traditionnelle manifestation de l’opposition, qui commémore chaque année à cette date l’indépendance du pays en 1918, avait une signification particulière dans le contexte du mouvement de protestation actuel. La police a brutalement dispersé les rassemblements à travers le pays et arrêté des centaines de manifestants. L’Association des journalistes bélarusses (BAJ), partenaire de RSF, a relevé pas moins de 26 journalistes interpellés à Minsk, quatre à Homiel (sud-est) et trois à Vitsiebsk (nord-est). Volha Davydava, Ihar Ilyachyne, Katsiaryna Bakhvalava, Volha Morva et le reporter britannique Filip Warwick ont été frappés par des policiers alors qu’ils couvraient le rassemblement de Minsk.
De nouvelles interpellations ont eu lieu le lendemain sur fond de manifestations plus modestes : au moins seize journalistes ont été interpellés à Minsk, Vitsiebsk, Babruysk, Brest, Homiel et Orcha.
Jetés en prison pour avoir fait leur travail
Le 27 mars, un tribunal de Minsk a condamné Alyaksandr Barazenka à 15 jours de prison pour “hooliganisme”. Le correspondant de la chaîne en exil Belsat TV avait été interpellé deux jours plus tôt en couvrant les manifestations. Le témoignage à charge d’un policier a été retenu malgré les images prises par le reporter au moment de son arrestation, montrant clairement qu’il ne faisait que son travail et s’était identifié comme journaliste. Après avoir passé le week-end en détention provisoire, le rédacteur en chef du site InformNapalm, Dzianis Ivachyne, a été condamné à cinq jours de prison pour “participation à un rassemblement non-autorisé”.
Le même jour à Vitsiebsk, les membres de la BAJ Kanstantsin Mardvintsaou et Leanid Svetsik ont été condamnés à 15 jours de prison pour “participation à un rassemblement non-autorisé”. Le correspondant local de Radio Racyja, Artsyom Sizintsaou, a été condamné à dix jours de détention pour les mêmes faits.
Des manifestations d’une ampleur inhabituelle au Bélarus se succèdent depuis fin février pour protester contre un nouvel impôt “sur le parasitisme social”, appliqué à ceux qui travaillent moins de six mois par an. Le 9 mars, le président Alexandre Loukachenko a suspendu cette taxe, tout en ordonnant au ministre de l’Intérieur de prendre des mesures “extrêmement sévères contre les instigateurs” de ce mouvement et de rétablir “un ordre parfait” dans le pays. La répression est immédiatement montée en puissance, les autorités dénonçant désormais une tentative de déstabilisation du régime ourdie par “des services secrets étrangers”.
Le Bélarus occupe la 157e place sur 180 au Classement mondial 2016 de la liberté de la presse publié par RSF.