Un journaliste succombe à ses blessures ; les médias continuent de souffrir

Reporters sans frontières apprend avec tristesse que le journaliste, Shafiullah Khan, victime de blessures graves lors du double attentat du 11 juin dernier à Peshawar, est décédé dans la matinée du 17 juin 2011, à Wah Cant (Wah Cantonment), ville militaire au nord-ouest d'Islamabad. "Nous tenons à réaffirmer tout notre soutien aux journalistes victimes d’attaques terroristes au Pakistan. Nous attendons des autorités pakistanaises qu’elles répondent sans plus tarder aux demandes de la communauté des médias, et qu’elles rétablissent des conditions de sécurité permettant à ses membres de travailler normalement. Si le Premier ministre a été en mesure de réagir rapidement en nommant un Juge suprême pour mener une enquête exhaustive sur la mort de Saleem Shahzad, il doit en être de même pour le double attentat de Peshawar. Des mesures de compensation financières, notamment pour les frais médicaux, et matérielles doivent également être engagées dans les plus brefs délais”, a déclaré Reporters sans frontières. Les deux explosions dans le Khyber Market, dans la zone militaire de Peshawar, ont fait au moins quarante morts et plus d'une centaine de blessés. Shafiullah est le deuxième journaliste à mourir dans ces circonstances après Abid Naveed. Huit autres professionnels des médias ont également subi des blessures dans l'attentat. Shafiullah Khan était originaire du village de Palangzai (Waziristan du Nord). Il avait récemment terminé sa maîtrise en journalisme à l'Université Gomal à Dera Ismail Khan. Yousaf Ali, secrétaire-général de la Khyber Union of Journalists, a relaté à Reporters sans frontières le parcours tragique du jeune journaliste: “Shafiullah était désireux de poursuivre sa carrière dans la presse, il avait rejoint le bureau de Peshawar de The News International en tant que journaliste stagiaire. Cela faisait à peine une semaine qu’il avait débuté”. Shafiullah Khan s'était précipité sur les lieux de l'explosion de la première bombe, situés à quelques mètres des bureaux de la rédaction, afin de couvrir l’incident. Grièvement brûlé par la seconde explosion, il est décédé dans l'unité des grands brûlés de Wah Cant. Impunité, insécurité et menaces à l’encontre des professionnels des médias: Par ailleurs, Reporters sans frontières accueille favorablement les récents développements dans l’affaire du meurtre de Saleem Shahzad. Le 16 juin 2011, le gouvernement fédéral a mis en place une commission judiciaire, avec à sa tête le juge de la Cour suprême Mian Saqib Nisar, chargé de mener l’enquête sur l’assassinat de Saleem Shahzad. Selon l’annonce officielle du ministère, la commission devra rendre les résultats de son enquête dans six semaines. L’organisation condamne cependant l’insécurité dont les professionnels des médias sont victimes. Plusieurs affaires récentes, dans lesquelles des journalistes ont été menacés à cause de la sensibilité des sujets qu’ils couvraient, appuient le constat d’un danger croissant dans tout le pays. Le correspondant de la BBC au Pakistan, Ali Salman, a dû quitter, le 14 juin 2011, le district de Mianwali dans la province du Punjab, où il enquêtait sur les effets nocifs sur la population de la centrale nucléaire de Chashma. Après avoir été empêché de rendre visite à des résidents souffrant prétendument de maladies de la peau, le journaliste a été suivi par la direction pour le renseignement inter-services (ISI) lors de son retour à Lahore. “Il vaut mieux que vous rentriez à Lahore. Votre vie est en danger”, sont les mots employés par un officiel haut placé du gouvernement, et qu’a rapporté le journaliste à Reporters sans frontières. “Cinq minutes après être arrivé à Mianwali, l’ISI a alerté la police locale, l’administration et d’autres membres des agences de sécurité, pour m’expulser de la ville”, a t-il ajouté. Dans deux autres affaire, Abdul Salam Soomro, journaliste de la chaîne sindhi Awaz, et Jamal Tarakey, photojournaliste indépendant, ont eux été menacés de mort par des militaires. Les deux reporters avaient filmé et photographié des images de violences contre des civils, dont l’assassinat d’un jeune garçon par des membres des troupes paramilitaires à Karachi et des tirs de l’armée sur cinq personnes qui avaient été identifiées, à tort, comme des tchétchènes en mission suicide à Quetta, au Baloutchistan. Dans la province du Sindh, les correspondants des médias étrangers ont été incités à ne pas se rendre dans les locaux de plusieurs clubs de la presse à Karachi, identifiés comme une des cibles privilégiées des taliban. La circulaire émanant d’une agence de presse internationale, a averti les journalistes de ne pas s’approcher de ces endroits dans les principales villes du pays. Le Pakistan est le pays le plus meurtrier pour les professionnels des médias en 2011, avec huit morts depuis le début de l’année, dix-huit depuis 2010.
Publié le
Updated on 20.01.2016