Trois journalistes assassinés en une semaine au Mexique

Filadelfo Sanchez Sarmiento a été abattu par deux hommes le 2 juillet 2015 alors qu'il sortait de la station de radio pour laquelle il présentait un programme dans la ville de Miahuatlan, Etat d'Oaxaca (sud). C’est le troisième meurtre de journalistes en une semaine.

Filadelfo Sanchez Sarmiento travaillait pour la station de radio locale La Favorita 103.3 FM. Il avait dénoncé sur son compte Facebook, le 6 juin en pleine période électorale, avoir reçu des menaces : "De nouveau des menaces de mort contre moi, et l'annonce de l'incendie de la radio pour le dimanche 7 juin (...)". Ses proches ont par ailleurs affirmé que lui et un de ses collègues avaient reçu plusieurs menaces de mort en septembre 2014 de personnes proches du maire de Miahuatlan, sans qu’aucune enquête ne soit ouverte. Le gouverneur d'Oaxaca a informé dans un communiqué de presse avoir demandé au procureur de "mettre tous les moyens humains et légaux indispensables en œuvre pour diligenter l'enquête et obtenir l'arrestation des responsables du meurtre du locuteur de radio (...)". "Reporters sans frontières s'insurge contre la multiplication des crimes commis contre les journalistes au Mexique, déclare Lucie Morillon, directrice des programmes de RSF. Trois morts en une semaine : où la violence s'arrêtera-t-elle ? Nous demandons aux autorités d'Oaxaca, du Veracruz et de Guanajuato de veiller à ce que des enquêtes impartiales, indépendantes et approfondies soient mises en place pour arrêter les responsables de ces crimes abjects. Nous lançons un appel aux autorités pour que la piste professionnelle ne soit pas systématiquement écartée dès le début des enquêtes." Le même jour, le corps de Juan Mendoza Delgado a été retrouvé dans une morgue du Veracruz (est), où il aurait été déposé après avoir été écrasé par une voiture. Il dirigeait un site web d'informations dans la ville de Medellin de Bravo et était porté disparu depuis la veille. Sa mort intervient quelques jours après la tenue de propos vivement critiqués par la presse du gouverneur du Veracruz à l'égard des journalistes. Ce dernier accusait la profession d'être en lien avec le crime organisé et les menaçait à demi-mot leur intimant l’ordre de "bien se comporter". Quelques jours plus tôt, le 26 juin, Gerardo Nieto Alvarez, journaliste et directeur du journal local El Tabano était retrouvé égorgé dans la ville de Comonfort, Etat de Guanajuato (centre). Il s'agit du premier crime de cette gravité répertorié contre un journaliste dans cet Etat. Le procureur en charge de l'enquête a immédiatement rejeté la piste professionnelle, suscitant la vive désapprobation des proches du journaliste qui ont déclaré à RSF : “il a été tué à cause de son travail de journaliste, nous en sommes convaincus.“, un habitant de la municipalité a ajouté: “il a toujours été proche du parti PRI, mais il n’en parlait pas toujours bien. Quand il y avait une vérité à dire il la disait, ce qui lui a valu de se faire des ennemis". Le fils du journaliste a d’ailleurs confié à RSF : "L’ordinateur portable de mon père a disparu , il contenait toutes les informations qu’il allait publier, mais le procureur n’a rien dit à ce sujet.” Les Etats de Veracruz et Oaxaca sont parmi les plus meurtriers du Mexique pour les journalistes. La présence de nombreux cartels et la corruption de certains fonctionnaires locaux se traduisent par un niveau d'insécurité élevé. Depuis janvier 2015, trois journalistes y ont été assassinés : Moises Sanchez Cerezo au Veracruz, Abel Manuel Bautista Raymundo et Armando Saldaña Morales à Oaxaca. Pays le plus meurtrier des Amériques en 2014, le Mexique se situe à la 148e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse de Reporters sans frontières, publié en février 2015.
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Updated on 20.01.2016