Sept journaux baloutches poursuivis en justice pour la publication d’un communiqué

Le 15 mai 2013, une plainte formelle à été déposée au poste de police de Quetta à l’encontre de sept journaux, Jang, Mashriq, Intikhab, Express, Qudrat, Baakhabar et Zamana, pour avoir publié un communiqué de l’organisation “illégale” Lashkar-e-Jhangvi. Reporters sans frontières publie la copie du procès verbal de réception de la plainte par la police (First Information Report). “Porter plainte contre un média est un droit incontestable, mais lui reprocher de publier un communiqué de presse d’une organisation, même illégale, en prétendant que cela équivaut à accorder une tribune à des terroristes est inacceptable. En relayant les revendications de Lashkar-e-Jhangvi, la presse n’a fait que son travail d’information et ne peut être accusée de complicité ou de participation aux activités du groupe. Les médias au Baloutchistan sont pris en otages entre, d’un côté, les groupes armés, qui leur reprochent très souvent de ne pas ‘couvrir’ leurs activités ou relayer leurs déclarations, et de l’autre, les autorités qui harcèlent les journalistes refusant de se contenter des déclarations officielles et de couvrir les actions menées par la seules forces de sécurité”, a déclaré Reporters sans frontières. “La population doit être informée des actions et des points de vue de toutes les parties au conflit même si les propos rapportés par les médias sont ceux de belligérants ennemis des libertés. Nous demandons aux autorités de ne pas donner suite à cette plainte et de reporter leurs efforts sur la sécurité des journalistes”, a ajouté l’organisation. First Information Report Le First Information Report (rapport préliminaire permettant l’ouverture d’une enquête) a été déposé dans un poste de police de Quetta le 15 mai 2013. Selon un journaliste basé dans la capitale provinciale, la plainte aurait été déposée par la police elle-même. Les sept journaux, ainsi que leurs rédacteurs en chef respectifs, sont accusés d’avoir publié des “informations illégales”, et de répandre la peur parmi la population. Certaines charges auxquelles ils sont soumis tombent sous le coup des lois anti-terroristes. La veille, les médias incriminés avaient publié un communiqué de l’organisation Lashkar-e-Jhangvi, bannie au Pakistan, revendiquant l’attentat suicide commis deux jours plus tôt contre le chef de la police du Baloutchistan, qui a coûté la vie à six personnes, mais dont la cible première était ressortie indemne. L’organisation menaçait de réitérer ce type d’attaques si la police ne consentait pas à rester à l’écart de ses actions. “Ce n’est pas par amour de Lashkar-e-Jhangvi que nous relayons les communiqués de cette organisation. Nous serons attaqués si nous nous y refusons”, a déclaré à Reporters sans frontières un rédacteur en chef basé à Quetta, sous couvert d’anonymat. “Le gouvernement devrait en premier lieu restaurer son autorité en éliminant les organisations telles que Lashkar-e-Jhangvi et une fois que nous serons assurés de notre sécurité, nous ne publierons plus de communiqués émanant d’organisations terroristes”, a-t-il ajouté. Le 12 avril 2013, la Haute cour du Baloutchistan avait entrepris des poursuites contre Mashriq, Express, Intikhab et Jang, qui avaient publié des communiqués émanant de l’Armée de libération du Baloutchistan, mais avait classé l’affaire après les excuses des rédacteurs des journaux incriminés. Au Baloutchistan, les médias sont pris en étau entre les agences de sécurité et les groupes armés séparatistes et islamistes, tous deux classés parmi les “prédateurs de la liberté de la presse” par Reporters sans frontières. Depuis le début de l’année 2013, quatre journalistes ont été tués dans cette province du Pakistan. Le 10 janvier, Imran Shaikh, Saifur Rehman et Mohammad Iqbal ont perdu la vie dans un double-attentat ciblant la communauté chiite, à Quetta. Le 1er mars, Mehmood Ahmed Afridi était assassiné par balles à Kalat. Un meurtre revendiqué par l’Armée de libération du Baloutchistan. Le Baloutchistan fait partie des dix lieux les plus dangereux au monde pour les journalistes, selon Reporters sans frontières. Photo : Dawn.com
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Updated on 20.01.2016