Russie : Un journaliste incapable de se tenir debout maintenu en détention

Malgré deux talons fracturés, cela fait bientôt trois mois que le journaliste Alexandre Batmanov est maintenu en détention provisoire à Volgograd, dans le sud de la Russie. Il est accusé de vol de saucisson et de pain. Reporters sans frontières (RSF) dénonce un traitement inhumain et disproportionné, et appelle à sa libération immédiate.

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L’histoire pourrait prêter à rire si l’état de santé du journaliste Alexandre Batmanov n’était pas aussi préoccupant. Soupçonné de vol de saucisson et de pain, le présentateur de la chaîne en ligne NGO-TV, basée à Volgograd, est maintenu en détention provisoire malgré ses blessures. Interpellé le 23 juin 2017, le journaliste avait été enfermé pour le week-end sans autre forme de procès, sans eau ni nourriture. En tentant de s’échapper, au lendemain de son arrestation, il est tombé du deuxième étage du commissariat et s’est fracturé les deux talons. Hospitalisé quelques jours sous bonne escorte, il ne bénéficie plus de soins ni de matériels adaptés en prison, ce qui l’oblige à rester principalement allongé dans sa cellule, assisté par ses codétenus.


Initialement prévu en août, son procès a dû être reporté à cause de son état de santé, qui ne lui permettait pas d’assister aux audiences. C’est déjà sur une civière que le journaliste avait pu rencontrer pour la première fois son avocat.


Pour le fondateur de NGO-TV, Temour Kobalia, les accusations portées contre son collègue cachent des motifs professionnels. La chaîne, spécialisée sur l’actualité des ONG et de la défense des droits de l’homme en Russie, est en effet dans le collimateur des autorités locales.


“Pourquoi donc garder en prison ce journaliste immobilisé et incapable de fuir ? dénonce Johann Bihr, responsable du Bureau Europe de l’Est et Asie centrale de RSF. Ce traitement cruel et disproportionné renforce les nombreuses questions à l’égard de l’accusation : s’agit-il de punir Alexandre Batmanov, d’intimider ses collègues ? Le manque de soins ne fait que reporter son procès et prolonger sa détention : il est grand temps de briser ce cercle vicieux!”


Depuis le retour de Vladimir Poutine au Kremlin, en 2012, la pression sur les médias indépendants ne cesse de s’intensifier en Russie. Au niveau local, ce contexte répressif encourage certains potentats locaux à redoubler d’ardeur dans leur chasse aux voix critiques. La Russie occupe la 148e place sur 180 pays au Classement mondial 2017 de la liberté de la presse, publié par RSF.

Publié le
Updated on 18.09.2017