Si l'article 48 du code de procédure pénale fournit aux accusés le droit de demander la présence d'un avocat dès le début de la détention, exception est faite pour certains accusés (dont la liste est énoncée dans l'article 302 : les détenus pour des crimes contre la sécurité nationale et internationale, le vol et les infractions liées à la drogue, le crime organisé, et les journalistes). La lois stipule que pour ces crimes, « l'accusé peut choisir un avocat dans la liste confirmée par le chef du système judiciaire ».
En discussion pendant 12 ans, cette loi est entrée en vigueur le 22 juin 2015. Pour un pays qui depuis 36 ans n’avait pas de loi sur la procédure pénale, cette loi est un pas en avant pour assurer les droits des accusés. Mais l'article 48 notamment, constitue en l’état actuel une atteinte flagrante aux articles 9 ,10 et 11 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, à l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ainsi qu’une violation grave de l'article 35 de la Constitution iranienne.
Plusieurs rapporteurs spéciaux des Nations unies ont formulé des critiques et des recommandations en matière de respect des droits de l’homme en Iran, et particulièrement dans les domaines des droits des prisonniers. Ils ont maintes fois exprimé leurs inquiétudes sur les violations des normes nationales et internationales lors de procès. En juin 2013, dans son «Observation finale», le
Comité des droits de l'homme recommande au régime «de veiller à ce que toutes les obligations découlant du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels soient pleinement respectées en toutes circonstances et dans les dispositions constitutionnelles.»
Morts en détention
Bien que les avocats soient nommés dès le début de la détention d’un prisonnier en Iran, ces derniers assurant la défense des journalistes et des net-citoyens accusés, n’ont pas le droit de rencontrer leurs clients, ni d’avoir accès à leurs dossiers. Au moins une vingtaine d’avocats auraient été poursuivis et emprisonnés depuis juin 2009 pour avoir défendu des prisonniers d'opinion, parmi lesquels des journalistes et net-citoyens.
Mohammad Seifzadeh a été condamné à neuf ans de prison et dix ans d’interdiction d’exercer pour avoir contribué à fonder le Centre des défenseurs des droits de l’homme, ;
Abdolfattah Soltani, avocat et défenseur des droits de l’homme, a été informé, le 5 mars 2012, de sa condamnation à 18 ans de prison et 20 ans d’interdiction d’exercer son métier par la 26e chambre du tribunal de la révolution de Téhéran. Tous deux ont fondé le centre aux côtés de la lauréate du prix Nobel de la paix, Shirin Ebadi, cofondateur du Centre des défenseurs des droits de l’homme (arbitrairement interdit en Iran depuis 2006).
Narges Mohammadi, porte-parole du Centre est également emprisonnée depuis le 5 mai 2015. Son procès prévu pour le 6 juillet 2015, a été reporté à une date inconnue. Selon sa famille, cette défenseure des droits des femmes en Iran, est accusée de collaboration avec le groupe Etat islamique pour ses protestations aux côtés des familles de prisonniers issus des minorités sunnites condamnés à mort.
Les atteintes aux droits fondamentaux perpétrées en Iran, notamment l’interdiction de voir immédiatement un avocat et d’empêcher ce dernier d’avoir accès aux éléments du dossier, notamment les chefs d’accusation, sont à l’origine de nombreuses morts parmi les prisonniers. Arrêtée le 23 juin 2003, la photo-journaliste irano-canadienne,
Zahra Kazemi, sévèrement battue au cours de ses premières heures de détention, est décédée des suites de ses blessures quelques jours plus tard, le 10 juillet. Le 3 novembre 2012, le blogueur
Sattar Beheshti a lui aussi été tué en détention, dans un centre de la cyberpolice iranienne (la FTA). C’est le cas aussi du blogueur
Omidreza Mirsayafi, décédé dans des circonstances suspectes après avoir été arrêté comme Zahra Kazemi sur ordre de Saïd Mortazavi, ancien procureur de Téhéran. Ce dernier est actuellement poursuivi par la justice pour son implication dans plusieurs dossier de corruption. Déjà en 2013, un tribunal de Téhéran avait prononcé une sanction dérisoire condamnant Saïd Mortazavi à cinq ans d’interdiction de travailler pour le système judiciaire iranien, ainsi qu’à une amende de 60 dollars, pour sa responsabilité dans la mort de plusieurs manifestants enfermés au centre de détention de Kahrizak, après l’élection contestée de juin 2009.
RSF dénonce depuis douze ans la responsabilité de Saïd Mortazavi dans des crimes commis contre les acteurs de l’information. L’ancien procureur de Téhéran doit être jugé pour sa responsabilité dans la mort de Zahra Kazemi et d’Omidreza Mirsayafi, pour la fermeture d’une centaine journaux, pour les arrestations, les mauvais traitements - voire les actes de torture, et les condamnations de centaines de journalistes et net-citoyens à l’époque où il assumait son ancienne charge.
Zahra Kazemi, symbole de l’impunité
Zahra Kazemi avait été interpellée, le 23 juin 2003, alors qu’elle photographiait des familles de détenus devant la prison d’Evin à Téhéran. Torturée au cours de sa détention, elle est décédée des suites de ses blessures le 10 juillet. “Deux enquêtes officielles ont confirmé que Saïd Mortazavi avait ordonné l’arrestation et la détention de Madame Kazemi, qui lui ont valu d’être torturée à mort”, a souligné le ministre canadien des Affaires étrangères, Lauwrence Cannon, dans un communiqué daté du 26 juin de la même année. Saïd Mortazavi aurait falsifié des documents pour dissimuler son rôle dans l’affaire. Les avocats de la famille de la victime ont dénoncé à maintes reprises une parodie de justice. Leurs demandes de convocation de hauts responsables de la justice iranienne n’ont jamais été satisfaites, privant la procédure de témoins clés. Par ailleurs, Saïd Mortazavi, responsable de l’arrestation de Zahra Kazemi et présent au cours des interrogatoires de cette dernière à la prison d’Evin, n’a jamais été auditionné. “Le gouvernement iranien est pleinement responsable de la mort de ma mère sous la torture. Il est également très clair et démontré que le gouvernement iranien a cherché à étouffer l’affaire”, a déclaré Stephan Hashemi.
En octobre 2014, la Cour suprême du Canada avait rejeté la requête de Stephan Hashemi, qui avait intenté en 2006, des poursuites contre les autorités iraniennes devant un tribunal canadien pour le meurtre et les actes de torture contre sa mère en prison. Les magistrats du plus haut tribunal du pays avaient conclu que la loi sur l'immunité de l'État exclut les actions civiles au Canada pour les actes de tortures commis dans d'autres pays.