Après des mois de tensions politiques couronnés par deux tentatives d’attentats aux Maldives, et à quelques jours d’importantes manifestations antigouvernementales, le président Abdulla Yameen a déclaré l’état d’urgence. Dans les jours qui ont précédé l’annonce, les journalistes ont été la cible de nombreuses pressions : interpellations violentes, intimidation et attaques informatiques. Des journalistes maldiviens ont également fait part à RSF de leur crainte d’une possible coupure d’Internet dans les prochains jours.
Le 6 novembre au matin, la police de Malé a fait irruption dans les locaux de la chaîne privée
Sangu TV et a ordonné l’arrêt complet des programmes. Après une fouille de trois heures, la police a confisqué les disques durs de tous les ordinateurs de la chaîne. Les autorités accusent
Sangu TV d’avoir mis en ligne il y a plus de deux mois une vidéo portant le logo du groupe Etat islamique, dans laquelle trois hommes masqués profèrent des menaces de mort à l’encontre du président Yameen.
Ibrahim Asward Waheed, directeur de
Sangu TV, a assuré que la chaîne n’avait rien à voir avec cette vidéo. Il avait été convoqué le 4 novembre par la Commission de l’audiovisuel des Maldives (
Maldives Broadcasting Corporation, MBC) à propos du contenu considéré comme problématique de sa chaîne, et avait repoussé l’entretien.
«
Nous condamnons fermement le raid de la police maldivienne dans les locaux de la chaîne Sangu TV, déclare Benjamin Ismaïl, responsable du bureau Asie-Pacifique de Reporters sans frontières.
La recrudescence de mesures visant à intimider et dissuader les médias d’enquêter sur la crise actuelle témoigne d’une volonté d’“aveugler” les journalistes et de les empêcher d’informer leurs concitoyens des tensions qui agitent l’archipel. Nous restons vigilants à toute tentative des autorités de profiter du prétexte de l’état d’urgence pour imposer un blackout médiatique aux Maldives».
Le 2 novembre,
Hussain Fiyaz Moosa, directeur général de la chaîne d’opposition
Raajje TV, ainsi que les journalistes
Mohamed Wisam et
Leevan Ali Naseer ont été arrêtés alors qu’ils couvraient l’opération de désamorçage par les forces armées maldiviennes d’une bombe retrouvée devant le palais présidentiel à Malé, lors de la seconde tentative d’attentat contre le président. Arrêtés pour «
entrave au travail de la police », qui a réclamé quinze jours de détention en ce qu’ils constituaient «
un danger pour la société », ils ont été relâchés le lendemain sur ordre de la cour pénale de Malé, la capitale.
Raajje TV a révélé que les trois journalistes avaient été violentés lors de leur interpellation par la police.
Selon le média en ligne
The Maldives Independent, un journaliste et un photographe auraient également été victimes de violences de la part d’officiers de police lors de leur couverture de l’opération de désamorçage de la bombe.
Dès la déclaration de l’état d’urgence, la Commission de l’audiovisuel des Maldives (MBC) a également averti les chaînes de télévision et stations de radio privées que leurs licences seraient suspendues si elles diffusaient du contenu considéré comme «
contrevenant à la sécurité nationale ». Le président de la Commission, Mohamed Shakeeb, a enjoint les médias de s’assurer que leurs reportages soient factuellement exacts et n’encouragent pas l’instabilité. Les médias audiovisuels sont uniquement autorisés à évoquer les raisons de l’état d’urgence, après confirmation des autorités concernées.
Plusieurs médias d’informations en ligne ont également rapporté des coupures de leur site.
Haveeru et
Sun Online ont été rendus inaccessible dans la matinée du 4 novembre par des attaques DDoS, une technique consistant à saturer les serveurs de demandes pour les paralyser.
L’archipel des Maldives, où l'insécurité pour les médias d'opposition et les médias indépendants demeure prégnante, est classé
112ème sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse 2015 établi par Reporters sans frontières, soit une chute de 60 places depuis 2010.