RSF dénonce une dégradation flagrante de la liberté de la presse en Algérie
Les journalistes algériens subissent un harcèlement judiciaire de plus en plus visible. Reporters sans frontières dénonce la répression accrue de la liberté de la presse dans le pays et appelle les autorités à cesser d’instrumentaliser la justice pour museler les médias.
En dépit de l’épidémie de coronavirus, la répression s’accentue contre les journalistes indépendants et les blogueurs algériens. En l’espace de quelques jours, plusieurs d’entre-eux ont fait l’objet de nouvelles poursuites judiciaires ou de condamnations à des peines de prison ferme.
Le correspondant du journal Ennahar, Djamel Ali Toubal, a été condamné sur la base du nouveau code pénal, le 17 juin 2020, à deux ans de prison ferme en comparution immédiate pour ”outrage à corps constitué” et "publications Facebook pouvant porter atteinte à l'intérêt national”. Profondément choqué, le journaliste, connu pour son engagement en faveur du “Hirak”, le mouvement de contestation populaire, a fait un malaise à l’énoncé du verdict et a fait part, lors de son acheminement vers la prison de la ville, de sa volonté de faire appel du jugement prononcé à son encontre.
Quelques jours auparavant, Merzoug Touati blogueur et journaliste du site d’information L'Avant-Garde Algérie, (bloqué en Algérie) a été arrêté lors d’une manifestation de soutien aux détenus d’opinion. Poursuivi pour “incitation à attroupement, publication et distribution de publications pouvant porter atteinte à l'unité nationale et mettre la vie d'autrui en danger durant la période du confinement”, le blogueur, qui a déjà été condamné dans le passé pour ses écrits, a été placé samedi 13 juin sous mandat de dépôt par le tribunal de Bejaia. En raison de son refus d'être jugé par visioconférence, son procès est prévu le 1er juillet prochain.
Le journaliste et rédacteur en chef du journal francophone régional Le Provincial, Mustapha Bendjama, est lui poursuivi pour “incitation à attroupement non armé”, “opposition au déroulement de l’opération électorale” et “opposition à travers un rassemblement à des actions autorisées par l’autorité publique”. Innocenté en première instance le 2 février 2020, le procureur général de la cour de justice d’Annaba avait décidé de faire appel de cette décision. Une audience a eu lieu hier 17 juin 2020, avant d’être reportée au 1er juillet prochain. Mustapha Bendjama risque jusqu’à 3 ans de prison. Arrêté près d’une douzaine de fois et placé en garde à vue à deux reprises, le journaliste du quotidien édité à Annaba (à 600 Km à l’est d’Alger) accumule au total quatre procès. Il estime que “cet acharnement à son égard est dû à son implication dans le Hirak”.
Le directeur du site d’information Casbah Tribune et correspondant de TV5 Monde et de RSF en Algérie, Khaled Drareni, a pour sa part été auditionné “sur le fond” du dossier, ce jeudi 18 juin 2020 par le juge d’instruction près la cour d’Alger. La procédure s'est déroulée au centre pénitentiaire de Kolea, à l'ouest d'Alger, où il est incarcéré depuis le 29 mars dernier. Arrêté alors qu’il couvrait les manifestations pacifiques qui avaient lieu à Alger dans le cadre de la mobilisation du “Hirak”, Khaled Drareni risque jusqu’à dix ans de prison pour “incitation à attroupement non armé et atteinte à l’unité nationale”.
“La multiplication des poursuites contre les journalistes algériens est extrêmement inquiétante et fait état d’une dégradation flagrante de la liberté de la presse en Algérie, dénonce Souhaieb Khayati directeur du bureau Afrique du Nord de RSF. Nous appelons les autorités algériennes à cesser d’instrumentaliser la justice et ne plus entraver le travail des journalistes, qui n’ont fait que leur travail d’information en couvrant le mouvement populaire du Hirak.”.
L’Algérie a perdu cinq places au Classement mondial de la liberté de presse 2020 et est désormais situé à la 146e place sur 180.