RSF dénonce la détention injustifiée du journaliste d'investigation Iaroslav Golychkine

Depuis un mois, le journaliste d’investigation Iaroslav Golychkine croupit dans une prison de Pavlodar, dans le nord du Kazakhstan. Tout porte à croire que les autorités régionales cherchent à faire de lui le bouc émissaire d’un retentissant scandale impliquant le fils du gouverneur. Reporters sans frontières (RSF) dénonce cette détention arbitraire et demande à la justice de garantir son droit à un procès équitable.

Arrêté par les services spéciaux kazakhs (KNB) le 14 mai 2015, Iaroslav Golychkine a été placé en détention provisoire au moins jusqu’au 16 juillet. Le journaliste est accusé de “chantage” et “d’extortion de fonds” par le gouverneur de la région de Pavlodar, Kanat Bozoumbaev. Il enquêtait sur un viol perpétré dans la résidence du gouverneur, dans la nuit du 19 au 20 février. L’enquête pénale ouverte à ce sujet par le parquet régional avait été refermée le 16 avril après un “accord à l’amiable” entre la victime et le criminel. Des rumeurs persistantes faisaient état de ce viol dès la fin février, mais les forces de l’ordre opposant un silence de plomb aux questions de la presse locale, celle-ci a cherché à établir les faits par elle-même. Connu pour ses enquêtes bien étayées sur la corruption et les affaires criminelles, Iaroslav Golychkine est parvenu à se rapprocher de la victime et à filmer son témoignage. Il a décidé de ne pas le publier dans l’attente d’éléments complémentaires et pour ne pas nuire à la victime, mais sa démarche n’est pas passée inaperçue. Convoqué par le KNB mi-avril, le journaliste a appris que le gouverneur l’accusait de chantage sur la base de cette vidéo, qui mettrait en cause son fils. D’abord entendu comme témoin, Iaroslav Golychkine a été interrogé à de multiples reprises et a livré toutes les copies de sa vidéo aux forces de l’ordre. D’après son avocat, l’arrestation du journaliste est intervenue lorsque celui-ci a refusé de donner un faux témoignage visant à disculper le fils du gouverneur. “Iaroslav Golychkine croupit en prison depuis un mois tandis que personne n’a été jugé pour le viol sur lequel il enquêtait, souligne Johann Bihr, responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de RSF. Les multiples incohérences et contradictions de cette enquête renforcent l’impression que les accusations sont montées de toutes pièces et que le journaliste n’est qu’un bouc émissaire. Nous exhortons les autorités à le remettre immédiatement en liberté et à dépayser l’enquête.” L’avocat du journaliste, Dmitry Kouriatchenko, a lui aussi été détenu pendant quatre heures, début juin, pour avoir tenté de transmettre à son client une lettre de sa mère. La victime du viol est elle-même retenue par le KNB avec une amie, une mesure qualifiée de “protection judiciaire” par les autorités mais contestée par la famille de la jeune fille, privée de tout contact avec elle. La plupart des articles consacrés à cette affaire sont censurés sur l’internet kazakh au bout de quelques heures. Reconnu pour son professionnalisme, Iaroslav Golychkine collabore avec le journal local Versia, dans lequel il n’épargne pas les autorités locales. Il a été violemment agressé en avril 2006, après avoir rapporté l’enlèvement d’un collaborateur de la police financière qui enquêtait sur le crime organisé. Le Kazakhstan occupe la 160ème place du 180 pays au Classement mondial 2015 de la liberté de la presse établi par RSF. Les principaux journaux indépendants nationaux ont tous été fermés en 2012, et toute tentative d’en créer de nouveaux aboutit rapidement à leur fermeture. Une poignée de titres indépendants régionaux survit dans une grande précarité. Signer la pétition en soutien à Iaroslav Golychkine lancée par l'ONG kazakhe "Legal Media Centre" (en russe)
Publié le
Updated on 20.01.2016