RSF condamne fermement “les sévices intolérables” reçus par un journaliste malien
Reporters sans frontières (RSF) dénonce l’agression et les traitements humiliants infligés au directeur de publication d’un site internet dans les locaux de la commission vérité, justice et réconciliation (CVJR) du Mali et demande aux autorités de conduire une enquête impartiale pour que les auteurs de ces actes graves et dégradants soient sévèrement punis.
Le récit d’Hamidou Touré El Hadji, directeur de publication de Malimedias.com est glaçant. Appelé à se rendre jeudi 29 novembre dans le bureau du colonel Abdoulaye Makalou, secrétaire général de la commission vérité, justice et réconciliation (CVJR), à la suite de la publication d’un post Facebook critiquant le manque de résultats de cet organe, le journaliste affirme avoir reçu plusieurs coups de la part des “gardes du corps” du colonel et avoir été “forcé de boire sa propre urine” au cours de son “entretien”. “Avant de me relâcher, le colonel m’a également menacé de mort si je parlais de ce qu’il s’était passé à qui que ce soit” raconte encore le journaliste qui a porté plainte auprès de la gendarmerie.
Les informations et les relevés téléphoniques obtenus par RSF confirment que le colonel a fortement insisté pour que cette rencontre se tienne dans son bureau alors que le journaliste, craignant pour sa sécurité, lui avait proposé à plusieurs reprises un rendez-vous dans un lieu public. Le militaire est venu lui-même chercher le journaliste alors que le véhicule de ce dernier était tombé en panne. Le directeur de publication a finalement accepté de se rendre à la CVJR à la condition que son cousin qui l’accompagnait puisse venir avec lui. Ce dernier, qui se trouvait dans la pièce jouxtant le bureau du colonel au moments des faits, a affirmé à RSF avoir entendu le journaliste “appeler à l’aide” et “crier au secours”. Il a également confirmé avoir constaté que son cousin avait été “sévèrement bastonné”.
“Nous condamnons fermement les sévices inacceptables subis par le directeur de Malimedias.com et demandons aux autorités de prendre toutes les dispositions nécessaires pour mener une enquête indépendante et assurer la sécurité de ce journaliste, déclare Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. La crédibilité de la CVJR dont la mission première est justement d'enquêter sur des exactions, est en jeu. Il est essentiel qu’elle mette tous les moyens à disposition des enquêteurs pour que les auteurs d’actes d’une telle gravité à l’encontre d’un journaliste soient sanctionnés”.
Joint par RSF, le colonel Makalou reconnaît avoir fait venir le journaliste dans son bureau mais assure “avoir la conscience tranquille”, le reporter n’ayant selon lui subi “aucun acte d'agression”. Interrogé sur les motivations qui l’ont poussé à présenter sa démission ce lundi du poste de secrétaire général de la CVJR, il a affirmé ne pas vouloir que cette “histoire nuise à la réputation de la commission”. Parallèlement à sa carrière de militaire, Aboudlaye Makalou a suivi des études de journalisme au Centre d’Etudes des Sciences et Techniques de l’Information de Dakar.
Le Mali occupe la 115e place dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2018.