Retour de bâton pour la presse après la libération d'Aung San Suu Kyi

Une dizaine de titres de la presse birmane sont aujourd'hui sanctionnés pour avoir accordé "trop d'importance" dans leurs pages à la libération d'Aung San Suu Kyi. Les ordres venus de la capitale Naypyidaw visent les publications qui avaient pourtant été autorisées par le Bureau de la censure à publier une photo et un court article sur la fin de la détention de la dirigeante de la LND. Toute information sur la prix Nobel de la paix serait interdite jusqu'à nouvel ordre. Par ailleurs, au moins sept journalistes étrangers ont été expulsés du pays en marge des élections du 7 novembre dernier. En revanche, les médias internationaux ont été assez libres de couvrir la libération d'Aung San Suu Kyi. Les dernières semaines ont démontré que la presse privée birmane était capable de couvrir avec professionnalisme et créativité des événements aussi importants que des élections nationales et la libération d'Aung San Suu Kyi. Il est regrettable que les ordres venant de Naypyidaw aillent toujours dans le sens d'une plus grande censure. Reporters sans frontières et la Burma Media Association demandent l'annulation des sanctions contre les dix publications et l'abolition du système de la censure préalable. Au moins neuf publications ont été sanctionnées : Seven Days Journal et Venus Journal ont été interdits pendant trois semaines. Open News Journal, Messenger, Myanmar Newsweek, Voice Journal, People Age et Snap Shot ne paraîtront pas pendant une semaine. Leurs directeurs de publication ont été convoqués par l'officier militaire responsable de la censure pour leur signifier les sanctions. D'autres titres ont été rappelés à l'ordre sans être suspendus. Les deux organisations saluent la créativité de certains journalistes birmans qui ont utilisé des moyens détournés pour annoncer la libération d'Aung San Suu Kyi. Ainsi, First Eleven Journal a publié une Une sur le championnat de football anglais dans laquelle on pouvait trouver le message : "SU FREE UNITE & ADVANCE TO GRAB HOPE". L'hebdomadaire a été suspendu pour deux semaines. De même pour Hot News Journal (détenu par la fille du général Khin Maung Than). Interrogé par les deux organisations, un directeur de publication a expliqué: "Les autorités nous obligent à publier seulement des photos de Daw Suu seule et qualifier son parti, la LND, de 'parti interdit', alors il faut trouver des moyens déguisés pour couvrir ces événements. Nous pensions qu'après les élections, le contrôle du Bureau de la censure allait diminuer, mais ce n'est pas le cas." Reporters sans frontières et la Burma Media Association avaient révélé en novembre 2008 l'existence d'un code en dix points établi par le Bureau de la censure : http://fr.rsf.org/birmanie-un-document-de-la-censure-04-11-2008,29175.html Les médias birmans ont largement couvert les récentes élections parlementaires, mais se retrouvent sanctionnés quand ils tentent d'informer sur la libération d'Aung San Suu Kyi. C'est un deux poids, deux mesures qui n'est pas acceptable. Interrogée sur cette vague d'interdictions, Aung San Suu Kyi a indiqué que cela démontrait que les choses n'avaient pas vraiment évolué après les élections. Par ailleurs, au moins sept journalistes étrangers ont été expulsés du pays après avoir été identifiés par les services de sécurité. Des dizaines de reporters ont réussi à être présents en Birmanie pendant les élections et la libération d'Aung San Suu Kyi, grâce à des visas de touristes. "La police était aux aguets pendant les élections. Les journalistes identifiés ont été expulsés. Mais dans les jours qui ont suivi la libération d'Aung San Suu Kyi, visiblement, ils n'avaient pas d'ordres clairs", explique un journaliste européen qui a pu interviewer la prix Nobel de la paix à Rangoon. Ainsi, deux journalistes travaillant sur un documentaire pour la chaîne australienne ABC ont été reconduits à la frontière le 11 novembre. En revanche, la police n'a pas réussi à interpeller John Simpson, de la BBC, qui a pu interviewer Aung San Suu Kyi.
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Updated on 20.01.2016