Reporters sans frontières interpelle la Haut-Commissaire aux droits de l'homme des Nations unies neuf ans après les assassinats de plusieurs journalistes et intellectuels

Reporters sans frontières a adressé, le 4 décembre 2007, un courrier à Louise Arbour, Haut-Commissaire aux droits de l'homme des Nations unies, neuf ans après les assassinats de cinq journalistes et intellectuels iraniens. “Ces assassinats ont suscité une grande émotion au sein de la population. De nombreuses personnes continuent d'assister aux commémorations de ces crimes malgré les efforts des autorités pour entraver leur tenue. C'est le profond sentiment d'injustice qui a poussé les familles des victimes à saisir, en 2002, la Commission des droits de l'homme des Nations unies. A ce moment-là, et au terme d'une longue procédure qui aura duré plus de quatre ans, la justice iranienne avait reconnu la culpabilité de quinze agents du ministère des Renseignements. Ni les familles des victimes ni les organisations de défense des droits de l'homme, ne se sont contentées de ce verdict car les commanditaires n'ont à aucun moment été mis en cause. Pourtant une commission parlementaire iranienne a conclu que des personnalités de haut rang étaient impliquées dans ces affaires, mais qu'il était impossible de les confronter, a écrit l'organisation. “Une prise de position des Nations unies est capitale pour redonner l'espoir aux familles des victimes que justice sera un jour rendue et que les commanditaires de ces crimes, quelle que soit leur influence, seront peut-être jugés”, a ajouté Reporters sans frontières. Fin août 1998, Pirouz Davani (photo), activiste politique de gauche et rédacteur en chef du journal Pirouz, disparaissait. Son corps n'a jamais été retrouvé. Ce journaliste militait activement en faveur des droits de l'homme et de la démocratie en Iran. Dans son édition du 28 novembre 1998, le journal Kar-e-Karagar avait fait état de rumeurs sur l'"exécution" de Pirouz Davani. Fin novembre 2000, Akbar Ganji, journaliste de Sobh-é-Emrouz qui enquêtait sur l'affaire, a confirmé ces rumeurs et mis en cause le procureur du tribunal spécial du clergé, Mohseni Ejehi, dans cet assassinat. Le 22 novembre, deux figures emblématiques de l'opposition libérale, Darioush Forouhar (photo), avocat et président du Parti de la Nation d'Iran (PNI), et son épouse, Parvaneh Forouhar, ont été assassinés à leur domicile de Téhéran. Tous deux avaient ouvertement critiqué la culture de la répression en Iran. Le PNI est le premier parti iranien à avoir demandé l'abolition de la peine de mort. Trois autres journalistes et écrivains, Majid Charif, Mohamad Mokhtari et Mohamad Jafar Pouyandeh, ont disparu quelques jours après l'assassinat du couple. Leurs corps ont été retrouvés dans la banlieue sud de Téhéran entre le 25 novembre et le 12 décembre. Deux d'entre eux portaient des marques de strangulation. En janvier 2001, quinze agents du ministère des Renseignements ont été condamnés à des peines de prison et pour trois d'entre eux à la peine capitale. Fin janvier 2003, la Cour suprême a confirmé ce verdict. Dans cette affaire, les familles des victimes ont pointé du doigt les insuffisances de l'enquête au cours de laquelle les commanditaires n'ont jamais été mis en cause. Le 7 août 2002, Nasser Zarafshan, avocat des familles, a été arrêté et condamné à cinq ans de prison pour "divulgation des éléments du dossier". Fin novembre 2002, suite à un rassemblement de 5 000 personnes commémorant l'anniversaire de ces assassinats, les familles des victimes ont saisi la Commission des droits de l'homme des Nations unies. Joint par Reporters sans frontières, Me Nasser Zarafshan a affirmé que pour lui l'affaire n'était pas classée. “L'enquête n'a pas été menée jusqu'au bout et d'importantes pièces du dossier ont disparu pendant le procès”, a-t-il expliqué. Pour Mme Parsto Forouhar, fille de Darioush et Parvaneh Forouhar, “ le but de la justice iranienne n'était pas d'établir la vérité et le procès n'a été qu'un rideau de fumée pour la masquer.” Mme Forouhar attend toujours beaucoup du Haut-Commissariat des droits de l'homme des Nations unies qui n'a fait pour l'instant que renvoyer les familles vers la justice iranienne.
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Mise à jour le 20.01.2016