Reporters sans frontières dénonce vingt-trois "cancres" de la liberté de la presse

Une trentaine de militants de Reporters sans frontières a été retenue pendant près de cinq heures par la police devant le Palais des Congrès de Paris, où se tient le XXIIe Sommet France-Afrique. Vêtus de tee-shirts à l'effigie des vingt-trois "cancres" de la liberté de la presse dénoncés par l'organisation, les membres de l'équipe ont reconstitué une photographie de classe en se regroupant sous une banderole sur laquelle était inscrit : "Liberté de la presse - 23 cancres à Paris".

Une trentaine de militants de Reporters sans frontières a été retenue pendant près de cinq heures par la police devant le Palais des Congrès de Paris, où se tient le XXIIe Sommet France-Afrique. Vêtus de tee-shirts à l'effigie des vingt-trois "cancres" de la liberté de la presse dénoncés par l'organisation, les membres de l'équipe ont reconstitué une photographie de classe en se regroupant sous une banderole sur laquelle était inscrit : "Liberté de la presse - 23 cancres à Paris". Par ailleurs, trois camions publicitaires portant des affiches dénonçant la visite des "23 cancres" à Paris, et qui circulaient autour du Palais des congrès ont été interceptés par les forces de police. Les affiches ont été recouvertes de peinture. Les 23 cancres de la liberté de la presse : - Burkina Faso : Blaise Compaoré - Centrafrique : Ange-Félix Patassé - Côte d'Ivoire : Laurent Gbagbo - Djibouti : Ismaël Omar Guelleh - Erythrée : Issaias Afeworki - Ethiopie : Meles Zenawi - Gambie : Yaya Jammeh - Guinée : Lansana Conté - Guinée équatoriale : T. Obiang Nguema - Guinée-Bissau : Kumba Yala - Liberia : Charles Taylor - Libye : Mouammar Kadhafi - Mauritanie : Maaouya Ould Taya - RD Congo : Joseph Kabila - Rwanda : Paul Kagame - Seychelles : France-Albert René - Sierra Leone : Ahmed Tejan Kabbah - Soudan : Omar al-Bechir - Swaziland : Mswati III - Tchad : Idriss Deby - Togo : Gnassingbé Eyadéma - Tunisie : Zine el-Abidine Ben Ali - Zimbabwe : Robert Mugabe Parmi la cinquantaine de pays qui participent à la XXIIe Conférence des chefs d'Etat d'Afrique et de France, du 19 au 21 février 2003, à Paris, vingt-trois bafouent quotidiennement la liberté de la presse. Dans ces pays, des journalistes continuent d'être assassinés, arrêtés, agressés ou menacés, et des médias sont régulièrement censurés, saisis ou interdits. Les lois sur la presse y sont souvent liberticides et les autorités supportent mal les critiques de la presse indépendante ou d'opposition. Ces vingt-trois Etats ont pourtant signé de multiples traités et textes internationaux garantissant la liberté d'expression. Reporters sans frontières demande à la France et aux Etats africains respectueux de la liberté de la presse d'aborder ce sujet pendant le sommet et d'user de leur influence auprès des vingt-trois pays dénoncés par l'organisation afin que soit garantie la liberté d'expression sur l'ensemble du continent. Reporters sans frontières appelle également les Etats africains à libérer les 36 journalistes actuellement détenus en Afrique. L'Erythrée est la plus grande prison du monde pour les journalistes (dix-huit incarcérés). C'est la première fois depuis de nombreuses années qu'un pays africain occupe la première place de ce bien triste podium. La presse privée est interdite en Erythrée depuis septembre 2001. La deuxième médaille d'or revient à la Libye, qui détient le record du plus ancien journaliste emprisonné dans le monde. Abdullah Ali al-Sanussi al-Darrat serait détenu sans inculpation ni procès depuis 1973. Son lieu de détention et son état de santé demeurent inconnus. Les autorités libyennes n'ont jamais apporté de réponse aux questions de Reporters sans frontières sur le sort de ce journaliste. D'autres professionnels de la presse sont actuellement emprisonnés en Ethiopie, en République démocratique du Congo, au Rwanda, en Sierra Leone, au Tchad, au Togo et en Tunisie. Certains ont été condamnés à de lourdes peines de prison et sont détenus dans des conditions particulièrement éprouvantes. Par ailleurs, au Liberia, en 2002, un journaliste est resté détenu pendant plusieurs mois au secret avant d'être libéré et contraint de quitter le pays. Au Zimbabwe, en 2002, une trentaine de professionnels des médias sont interpellés par les forces de l'ordre. Les journalistes étrangers sont désormais admis sur le territoire au compte-gouttes et plusieurs ont déjà été expulsés. Les correspondants et envoyés spéciaux de la presse étrangère ont également d'énormes difficultés à travailler en Côte d'Ivoire. Plusieurs d'entre eux ont été interpellés depuis la tentative de coup d'Etat du 19 septembre 2002 et les menaces et agressions sont quasi quotidiennes. L'impunité dans les cas d'assassinats de journalistes reste la règle en Afrique. La condamnation des meurtriers de Carlos Cardoso, directeur d'un hebdomadaire, au Mozambique, ne suffit pas pour faire oublier les nombreux autres cas restés impunis. Le dossier Zongo, au Burkina Faso, est exemplaire de ce manque de volonté des autorités politiques et judiciaires de faire la lumière dans ces affaires. La censure est une arme utilisée très régulièrement par certains Etats africains pour museler la presse indépendante. En Mauritanie et au Togo, des médias ont été récemment réduits au silence. Les autorités usent et abusent des lois sur la presse pour saisir des exemplaires de journaux et faire taire les voix les plus critiques. Internet, qui n'était pas jusque-ici un véritable enjeu au regard du faible taux de connexions, est de plus en plus surveillé et contrôlé par les autorités. En Tunisie, Zouhair Yahyaoui, fondateur et animateur du site d'informations TUNeZINE, est détenu depuis juin 2002 et a été condamné à deux ans de prison. Le jeune homme, dont le site diffusait des documents de l'opposition, avait brocardé, à plusieurs reprises, le président Ben Ali. Il a été torturé lors de ses interrogatoires. Dans de nombreux pays du continent, les journalistes travaillent sous une forte pression, qui renforce l'autocensure au sein de la presse publique et privée. C'est notamment le cas à Djibouti, en Gambie, en Guinée, en Guinée-Bissau, en République centrafricaine, aux Seychelles, au Soudan et au Swaziland. En Guinée équatoriale, des journalistes ont quitté leur pays au cours des derniers mois par peur des représailles. Enfin, Reporters sans frontières rappelle que les violations de la liberté de la presse ne sont pas l'apanage des responsables du pouvoir en place. Dans plusieurs pays africains, des groupes rebelles, des milices, des organisations confessionnelles ou des militants de l'opposition s'en prennent également aux journalistes. C'est notamment le cas en République démocratique du Congo, en Côte d'Ivoire et au Nigeria.
Publié le
Updated on 20.01.2016