Reporters sans frontières appelle les autorités ukrainiennes à défendre la liberté de la presse avec la plus grande force.

Du 19 au 21 juillet 2010, Reporters sans frontières a mené une mission en Ukraine. Ce déplacement fait suite à l’augmentation significative des cas de violation de la liberté de la presse enregistrés par notre organisation lors du premier semestre 2010, tranchant avec l’amélioration générale observée ces dernières années. Durant son séjour, Reporters sans frontières a rencontré des représentants des medias nationaux et régionaux, des organisations de défense de la presse, mais aussi des députés de la majorité et de l’opposition, ainsi que des représentants officiels. Les premières conclusions confirment les inquiétudes de Reporters sans frontières quant au climat général dans lequel les professionnels des medias remplissent leur mission. Ainsi, l’organisation exprime son inquiétude face aux cas d’agressions ou de pressions physiques contre des journalistes, tout particulièrement lorsque ces faits n’entraînent pas de poursuite contre leurs auteurs. Cette impunité peut être interprétée comme un signal autorisant les détenteurs de l’autorité publique à se conduire comme bon leur semble à l’égard des journalistes. (Serhy Andrushko, STB et Serhy Kutrakov, Novyi Kanal). La question de l’indépendance éditoriale des medias audiovisuels apparaît centrale dans le débat sur la liberté de la presse dans le pays. En effet, la population tire la majeure partie de son information de ces medias faisant d’eux un enjeu considérable. Ainsi, la création d’un véritable groupe audiovisuel public (Tv et radio), indépendant du pouvoir exécutif est-elle essentielle au respect du pluralisme de l’information. L’indépendance des autorités de régulation des medias apparaît, elle aussi, comme un pilier primordial pour le maintien d’une information indépendante. Plusieurs cas de censure, de nature différente, ont été portés à notre connaissance. Ils sont parfois le fait de la direction des medias concernés, et peuvent alors relever de l’autocensure. Mais une intervention directe du pouvoir politique peut aussi être suspectée dans plusieurs autres cas. A cet égard, l’allocation des fréquences dans le domaine télévisuel, et en particulier, le risque pour les chaines TVi et 5 Kanal de perdre les fréquences allouées en janvier, peut malheureusement dans le contexte actuel s’apparenter à une forme de pression politique. Enfin, l’organisation souhaite attirer l’attention des autorités sur les difficultés de la presse régionale et locale, même si elles ne peuvent être tenues pour seules responsables. Les journalistes de province sont confrontés à des pressions accrues et sont bien souvent en situation de faiblesse face à des autorités cumulant souvent pouvoir politique et économique. (Exemple Avtor Tv à Dnieprodzerjinsk) Reporters sans frontières se tient à la disposition des autorités ukrainiennes pour une rencontre future, notamment avec le chef de l’Etat. L’organisation se tient prête à revenir en Ukraine à tout moment, pour rencontrer les responsables du pouvoir exécutif et tous les dirigeants de l’Etat intéressés et concernés par la question de la liberté de la presse. En attendant, Reporters sans frontières souhaite adresser les premières recommandations suivantes aux autorités : - traiter avec tout le sérieux et la rigueur nécessaires les cas de violations flagrantes de la liberté des medias et des journalistes. En particulier s’assurer que les auteurs d’agressions ou de voies de fait à l’encontre de journalistes soient poursuivis ; - s’assurer que les représentants de la puissance publique appliquent les dispositions légales relatives à la liberté de la presse et en particulier l’article 171 du code pénal ukrainien ; - veiller à la création d’un groupe audiovisuel public indépendant du pouvoir exécutif ; - œuvrer à la transparence du système d’allocation des fréquences audiovisuelles, et dans le cas de Tv1 et 5 Kanal veiller à ce que la prochaine audience soit ouverte au public et à la presse ; - veiller à l’indépendance des autorités de régulation du secteur audiovisuel, en prêtant un soin tout particulier à la composition et à la nomination de leurs membres ; - assurer un accès libre et rapide à l’information publique, tant aux journalistes qu’aux simples citoyens. - dans l’affaire relative à l’assassinat de Georgyi Gongadze, garantir la transparence de l’enquête et le caractère public d’un prochain procès.
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Updated on 20.01.2016