RCA : six ans après l'assassinat de Camille Lepage, toujours les mêmes questions
Face à l’absence de progrès dans les enquêtes menées en République centrafricaine et en France concernant l’assassinat de la photoreporter française en 2014, Reporters sans frontières (RSF) demande aux autorités des deux pays de mettre en oeuvre tous les moyens nécessaires afin de faire toute la lumière sur cette affaire.
La justice et des réponses. Les attentes des proches de Camille Lepage et de RSF, partie civile dans l’instruction ouverte en France, n’ont pas changé. Six ans après l’assassinat de la photoreporter française le 12 mai 2014 dans la région de Bouar, à l’ouest de la République centrafricaine (RCA), les circonstances de l’attaque, l’identité et le mobile précis des assaillants qui avaient ouvert le feu sur le groupe d’anti-balaka - miliciens majoritairement chrétiens- avec lequel Camille Lepage se trouvait alors en reportage restent à établir. Guet-apens d’origine criminelle? Règlement de comptes entre miliciens? Seule une enquête de terrain poussée serait en mesure de déterminer ce qui s’est passé le jour de cette attaque armée.
“L’année qui vient de s'écouler n’a malheureusement apporté aucun nouvel élément car aucun acte d’enquête n’a été réalisé sur les lieux de l’attaque, déplore Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. Il sera sans doute difficile d’avoir toutes les réponses aux questions que les proches de la journaliste se posent encore, mais, six ans après les faits, il est urgent que tous les moyens soient mis en oeuvre afin d’éclaircir les circonstances et le mobile de l’attaque armée ayant conduit à la mort de cette journaliste. Dès que la situation sanitaire liée à l’épidémie de coronavirus le permettra à nouveau, une enquête de terrain et une reconstitution des faits doivent faire partie des priorités”.
Les parties civiles demandent notamment que soit lancée et exécutée une commission rogatoire internationale afin que les enquêteurs français puissent, en collaboration avec leurs homologues centrafricains, se rendre sur les lieux de l’attaque pour compléter leurs investigations. Jointe par RSF, la mère de la photojournaliste, Maryvonne Lepage, craint que le dossier soit clôturé alors que “de nombreux points obscurs peuvent encore être examinés si les autorités des deux pays décident d’allier efficacement leurs efforts et leurs moyens logistiques pour relancer l’enquête avec une volonté commune d’aboutir.”
L’exercice du journalisme en RCA reste extrêmement périlleux depuis le début de la guerre civile en 2013. A l’instar de Camille Lepage, les journalistes centrafricains Elisabeth Blanche Olofio, Désiré Luc Sayenga et René Padou ont été tués dans l’exercice de leur fonction au plus fort de la crise en 2014.
Quatre ans plus tard, alors que la majeure partie du territoire est encore sous le contrôle des groupes armés, trois reporters d’investigation russes, Orhan Djemal, Kirill Radtchenko et Alexandre Rasstorgouïev, qui enquêtaient sur la présence de mercenaires de leur pays en RCA, ont été assassinés dans des circonstances troubles. L’opacité totale dans laquelle ont été menées les investigations a conduit RSF à demander l’ouverture d’une enquête internationale.
La RCA occupe la 132e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2020.