Radhia Nasraoui a mis fin à sa grève de la faim

Le 2 août 2002, l'avocate Radhia Nasraoui a annoncé mettre un terme à la grève de la faim qu'elle avait entamée le 26 juin dernier pour demander la libération de son mari, Hamma Hammami, responsable politique mais également directeur de publication d'Al-Badil.

Au 38e jour de sa grève de la faim, l'avocate Radhia Nasraoui a annoncé, lors d'une conférence de presse à son domicile, qu'elle "suspendait" son jeûne commencé le 26 juin pour réclamer la libération de son mari, Hamma Hammami, responsable politique et directeur de publication d'Al-Badil. Radhia Nasraoui a précisé que sa décision était motivée par les nombreuses "demandes exprimées par tous ses amis" de cesser sa grève de la faim. "Tous m'ont demandé de préserver ma santé pour continuer mon combat pour la Tunisie", a-t-elle ajouté. Par ailleurs, elle a déclaré vouloir fonder une "Association contre la Torture" et faire du 2 février, date du jugement en première instance de son mari, une Journée pour l'indépendance de la justice en Tunisie. Ces dernières semaines, les médias français avaient largement couvert la grève de la faim de Radhia Nasraoui et la dégradation de son état de santé, sensibilisant l'opinion publique française et tunisienne à l'histoire de son mari, et plus globalement au non-respect des droits de l'homme par l'Etat tunisien. Du 29 juillet au 1er août, l'avocate s'était rendue en France afin d'y amener sa fille cadette de 3 ans, Sarra, qui, la semaine précédente, avait été empêchée à deux reprises de quitter le territoire tunisien. ______________________________________________________________ Les 24 et 25 juillet, un membre de Reporters sans frontières a rendu visite à Radhia Nasraoui, dans son appartement de Tunis. "Je suis très affaiblie mais je garde un moral d'acier", a déclaré l'avocate. Le 25 juillet au matin, elle a accepté d'être mise sous perfusion (photo) afin, selon ses médecins, de "prévenir les risques cardiaques majeurs". Les 22 et 23 juillet, alors que Radhia Nasraoui avait confié à un couple d'amis français le soin d'accompagner sa fille cadette Sarra, âgée de trois ans, en France, cette dernière n'a pas été autorisée à quitter le territoire (voir photos). Motif du refus : l'autorisation de sortie du territoire était signée par Radhia, la mère, et non par le père, Hamma Hammami. Par le passé, Sarra avait pu quitter la Tunisie sans ses parents. La photo de Radhia Nasraoui sous perfusion a été prise par Isabelle Simon, de l'agence SIPA. ______________________________________________________________ Le 26 juin 2002, l'avocate Radhia Nasraoui (photo), épouse de l'opposant politique Hamma Hammami (photo), a entamé une grève de la faim à son domicile de Tunis pour protester contre l'emprisonnement de son mari. "Il est scandaleux qu'une personne doive en arriver là pour que ses droits et ceux de sa famille soient respectés", a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de Reporters sans frontières. "Par cette action, j'entends réclamer la libération immédiate et sans conditions de mon mari emprisonné pour ses opinions, et protester contre les mauvais traitements dont il est l'objet, ainsi que sa famille", a déclaré Maître Nasraoui. "Hamma n'a jamais pu voir sa famille dans des conditions humaines : deux grillages le séparent de ses visiteurs et la visite se déroule en présence de plusieurs gardiens. Il n'a toujours pas le droit de voir Sarra, née quand il vivait en clandestinité", a-t-elle ajouté. Le 31 mars 2002, Hamma Hammami, leader du Parti communiste des ouvriers de Tunisie (POCT, interdit) et directeur du journal El Badil, avait été condamné à trois ans et deux mois de prison à l'issue d'un procès en appel. Ses deux camarades, Abdeljabar Madouri et Samir Taamallah, s'étaient vu respectivement infliger des peines de trois ans et neuf mois et un an et neuf mois d'emprisonnement. Les jugements avaient été rendus sur la base de chefs d'inculpation liés à leur appartenance au PCOT : appartenance et maintien d'une association illégale, distribution de tracts, diffusion de fausses nouvelles, tenue de réunions illégales, incitation à la rébellion et violation des lois. Le 2 février, à l'issue d'une "parodie de procès", le tribunal de première instance de Tunis avait condamné les trois hommes à plus de neuf ans de prison. Le même jour, ils étaient sortis de clandestinité où ils avaient passé quatre années. En 1992, Hamma Hammami, directeur du journal El Badil (l'organe du PCOT), avait été condamné à deux ans et huit mois de prison avec sursis et 7 000 dinars d'amende pour "propagation de fausses nouvelles". La publication avait été suspendue. Déclaration de Radhia Nasraoui : "J'entame une grève de la faim" 26 06 2002 Mon mari Hamma Hammami, porte-parole du Parti Communiste des Ouvriers de Tunisie (PCOT), - parti non autorisé - et directeur du journal Al Badil -interdit- purge une peine de trois ans et deux mois d'emprisonnement depuis le 02/02/2002 à la prison civile de Tunis, pour appartenance au PCOT. Depuis son arrestation, Hamma a subi mauvais traitements, isolement dans le pavillon des condamnés à mort avec trois condamnés de droit commun connus pour être des "mouchards" et violations de ses droits. Il a dû observer une grève de la faim pour obtenir d'être transféré dans un autre pavillon. Il a été quasiment privé de la visite de ses avocats depuis le début de son arrestation. Personnellement et en tant qu'avocate, je suis privée de le voir depuis le 6 avril dernier. Hamma n'a jamais pu voir sa famille dans des conditions humaines : deux grillages le séparent de ses visiteurs et la visite se déroule en présence de plusieurs gardiens. Il n'a toujours pas le droit de voir Sarra, née quand il vivait en clandestinité. Depuis des années, mes filles sont continuellement privées de la présence de leur père, contraint à la vie en clandestinité ou en prison. Elles ont été pendant des années soumises à des filatures policières serrées. Nadia a été victime d'une tentative de kidnapping. Oussaima a été souvent terrorisée par des agents de la police politique. Sarra, bébé, a eu droit à une surveillance policière devant la crèche. Mes enfants ne se sont jamais senties en sécurité. Elles gardent de leur enfance des souvenirs traumatisants : incendie de la porte de notre appartement ; effraction de la porte de notre maison après minuit par un groupe de policiers, interrogatoire de ma fille Nadia dans son lit et en mon absence, tard dans la nuit ; agression physique de ma fille Oussaima le jour du procès de son père le 02/02/2002. Jamais suite n'a été donnée aux plaintes multiples déposées au parquet contre ces agissements. - Pour exiger la libération immédiate et sans conditions de mon mari, prisonnier d'opinion, - Pour protester contre la torture physique et morale subie par mon mari depuis l'arrivée de Ben Ali au pouvoir, - Pour protester contre la torture psychologique continuellement subie par mes filles, J'entame une grève de la faim à partir d'aujourd'hui 26 juin 2002, journée mondiale contre la torture. Fait à Tunis, le 26 juin 2002 Radhia Nasraoui Contact : Radhia Nasraoui, Résidence Hallouma Bent El Fakhri, Rue des Coings. Immeuble C3, Appartement No6, 2è étage. El Manar1 (en face de Delta Médical) Tél. : 00 216 98 33 99 60 (en Tunisie) et 00 33 1 48 86 36 20(en France) Email : [email protected]
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Updated on 20.01.2016