Exilé depuis sept ans en Thaïlande, un caricaturiste politique chinois a été arrêté en octobre et renvoyé en Chine, à la demande de Pékin. Le même mois, deux autres dissidents subissaient un sort identique, soulignant ainsi l’influence de la Chine et de sa politique répressive au-delà de ses frontières.
Le 28 octobre 2015, la police thaïlandaise a arrêté le caricaturiste politique
Jiang Yefei (姜野飞), à la demande de Pékin. Détenu plus de deux semaines dans une prison pour immigrants illégaux à Bangkok, il a embarqué le 13 novembre dernier à bord d’un avion affrété par le gouvernement chinois, flanqué de policiers locaux. Il n’a aucun contact avec sa famille depuis le 5 novembre. Il a pourtant été reconnu en tant que réfugié par le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et le Canada avait accepté de l’accueillir ainsi que sa famille. Exilé en Thaïlande depuis 2008, ce dissident avait été emprisonné et torturé par le régime chinois pour avoir critiqué la gestion du tremblement de terre au Sichuan.
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Nous exhortons les autorités à libérer Jiang Yefei immédiatement et sans condition et à veiller à ce qu’il ne soit pas victime de torture ou de mauvais traitements en détention, déclare Benjamin Ismaïl, responsable du bureau Asie-Pacifique de Reporters sans frontières.
L’organisation réclame l’abrogation de la nouvelle loi sur la sécurité nationale qui, grâce à sa formulation vague et son acception très large, permet aux autorités de s’arroger le droit de museler les voix critiques à son encontre en dehors des frontières chinoises ».
L’extradition de Jiang Yefei par la Thaïlande est loin d’être un cas isolé. Le même jour, un militant des droits de l’Homme et un éditeur d’ouvrages critiques de Pékin ont également été renvoyés en Chine, avec la complicité des autorités thaïlandaises. Le dissident Dong Guangping (董广平), qui bénéficie également du statut de réfugié après avoir rejoint la Thaïlande en septembre dernier, a lui aussi été renvoyé en Chine le 13 novembre. Dans le même avion se trouvait Gui Minhai (桂民海), un éditeur né en Chine et naturalisé suédois, qui avait disparu en Thaïlande depuis mi-octobre. Il travaille pour la maison d’édition
Mighty Current à Hong Kong, connue pour publier des ouvrages sur la vie politique de la Chine continentale, les luttes de pouvoir et les scandales impliquant des officiels haut placés.
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La Thaïlande n’en est pas à son coup d’essai en matière d’extradition de prisonniers politiques, ajoute Benjamin Ismaïl.
Même si le pays n’est pas signataire de la Convention de 1951 relative au statut de réfugiés ni de son protocole de 1967, RSF rappelle aux autorités thaïlandaises le principe du non-refoulement, selon lequel personne ne devrait être renvoyé vers un pays dans lequel sa vie ou sa liberté est menacée en raison de ses convictions politiques ».
Lorsque la « sécurité nationale » légitime la répression hors des frontières
L’adoption, le 1er juillet 2015, d’une nouvelle loi sur la sécurité nationale, est concomitante à la détermination de la Chine à traquer les voix dissidentes réfugiées à l’étranger, au prétexte de « défendre les intérêts fondamentaux du peuple ». Ne se satisfaisant pas d’
exporter son système de censure et de contrôle de l’information, Pékin instrumentalise désormais le concept de «
sécurité nationale » afin de conduire sa répression au-delà des frontières de la Chine continentale. Ses pays voisins sont ainsi régulièrement mis à contribution pour rapatrier ceux qui oseraient fuir le régime de Xi Jinping.
Le 6 octobre 2015, Bao Zhuoxuan (包卓轩), le fils de l’avocate des droits de l’Homme Wang Yu (王宇) et du militant Bao Longjun (包龙军), tous deux détenus au secret, a été arrêté en Birmanie, près de la frontière chinoise, avant d’être assigné à résidence en Mongolie intérieure.
La Chine, qui figure à la
176ème place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse 2015 établi par Reporters sans frontières, continue de profiter allègrement du silence de la communauté internationale pour étendre ses prérogatives au mépris du droit international.