Pressions, poursuites, condamnations : le lot quotidien des blogueurs russes

Reporters sans frontières condamne l’acharnement dont font preuve les autorités envers certains blogueurs. Pressions, poursuites, condamnations, le gouvernement se livre à une véritable campagne d’intimidation contre les voix indépendantes, sous couvert de lutte contre l’extrémisme et l’antisémitisme. Le célèbre blogueur Leonid Kaganov s’est vu contraint de faire héberger son site à l’étranger en mai 2011. Les services de renseignement (FSB) lui ont en effet demandé, par l’intermédiaire de son hébergeur, en 2009, de supprimer de son blog un poème antisémite dont il se moquait. Le blogueur a obtempéré, en remplaçant le poème original par une parodie. Le FSB a tout de même renouvelé son ordre de suppression du contenu. C’est par crainte d’un conflit avec les services de renseignement que Kaganov a décidé de changer la localisation de son blog.   Roman Hoseev est la cible d’une procédure administrative pour avoir cité des passages de “Mein Kampf” sur un site local, en 2005. Il y comparait des propos du président américain Georges W. Bush à ceux tenus par Hitler dans son livre. Le blogueur a gagné son deuxième procès sur l’affaire en février 2011, mais le parquet a fait appel. Cet entêtement judiciaire va à l’encontre des principes élémentaires du procès équitable et de la sécurité juridique. Roman Hoseev a déjà été relaxé une fois en 2010 dans ce dossier, il n’est donc pas censé comparaître à nouveau devant la justice pour ces mêmes faits. Il lui est d’ailleurs reproché de citer, en 2005, un livre qui ne sera interdit en Russie qu’en 2010. La procédure qui le vise viole donc totalement le principe de non rétroactivité de la loi pénale. Reporters sans frontières ne comprend pas cet acharnement de la part des autorités russes, et demande l’arrêt immédiat des poursuites à l’encontre du blogueur. La liste des blogueurs et net-citoyens inquiétés en Russie ne cesse de s’allonger, notamment ceux qui s’expriment sur des sujets sensibles mais d’intérêt public. Le commandant Igor Matveev a dénoncé, début juin 2011, les pratiques ayant court dans la base de Vladivostok, où les soldats reçoivent de la nourriture pour chien en lieu et place du ragoût de bœuf annoncé sur les boîtes de conserve. L’officier a déjà alerté l’opinion publique sur plusieurs affaires liées à cette base, comme l’exploitation de la main d’œuvre sans papiers. Véritable source d’information il est étrangement poursuivi devant la justice russe pour violence sur un jeune soldat. Un dossier monté de toute pièce selon ses défenseurs, mais pour lequel il risque dix ans de prison. Il avait déjà été démis de ses fonctions par sa hiérarchie et déclaré instable mentalement, en 2003, après des révélations sur un autre scandale. Seules des pressions du Conseil de l’Europe lui avaient alors permis de retrouver son poste. D’autres blogueurs sont victimes de leur obstination à vouloir dénoncer la corruption dans leur pays. Yuri Yegorov, ancien employé du gouvernement régional du Tatarstan, a été condamné à six mois de prison  avec sursis, peine assortie d’une période probatoire de deux ans, pour diffamation, le 9 juin 2011. Il avait révélé une affaire de corruption au sein du bureau du médiateur du Tatarstan, Rashit Vagizov, de février à juillet 2007. Ses informations ont été par la suite confirmées par plusieurs témoignages, mais la cour a refusé de les prendre en compte, violant ainsi les textes internationaux ratifiés par la Russie. Elle a par ailleurs ordonné la destruction de son ordinateur, considéré comme “arme du crime”. Yuri Yegorov va faire appel de cette décision. La Russie fait partie des pays “sous surveillance” dans la liste des “Ennemis d’Internet” publiée par Reporters sans frontières le 12 mars 2011.
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Updated on 20.01.2016