Ouganda : plusieurs journalistes d’investigation arrêtés au cours de leur enquête sur des fonctionnaires corrompus

Reporters sans frontières (RSF) demande la remise en liberté immédiate et sans condition de deux reporters arrêtés alors qu’ils enquêtaient sur un trafic de médicaments entre l’Ouganda et des pays voisins.

Actualisation :

Reporters sans Frontières (RSF) est soulagée d'apprendre la libération ce vendredi 8 février d’une équipe de journalistes d’investigation. Dans un communiqué, la police, qui avait initialement procédé à l’arrestation de deux journalistes mercredi soir avant qu’un troisième reporter se présente de lui-même au commissariat vendredi, a reconnu que leur objectif était d’établir à quel point il était facile d’acquérir illégalement des médicaments auprès d’établissements publics de santé. Elle les encourage également à poursuivre leur documentaire pour exposer ces fraudes. RSF, qui avait dénoncé ces arrestations, s’inquiète néanmoins de l’ambiguïté de la police qui a assorti la remise en liberté des reporters d’une caution et qui dit continuer à étudier si les journalistes ont enfreint les lois sur l’acquisition de médicaments au cours de leur enquête. Notre organisation demande l’abandon de toute poursuite afin que les journalistes puissent achever leur enquête d’intérêt public sans épée de Damoclès au dessus de la tête.


Mohamed Kassim, réalisateur pour la BBC de nationalité kenyane, et Godfrey Badebye, cameraman pour la chaîne locale NBS, ainsi que leur fixeur et leur chauffeur, ont été arrêtés mercredi 6 février par la police de Kampala, capitale de l’Ouganda. Les deux journalistes enquêtaient sur un trafic présumé de médicaments récupérés par des fonctionnaires de différents établissements publics de santé et revendus illégalement dans des pays voisins de l’Ouganda, notamment en République démocratique du Congo (RDC) et au Soudan du sud.


Contacté par RSF, Solomon Serwanjja, un autre journaliste de NBS qui travaillait sur la même enquête et qui ne se trouvait pas à son domicile lorsque la police est venu l’interpeller dans la nuit de mercredi à jeudi a précisé que les forces de l’ordre ont fouillé son domicile, saisi plusieurs boîtes de médicaments acquises au cours de l'enquête et arrêté sa femme. Le journaliste, qui vit caché depuis, estime que l’histoire sur laquelle lui et ses confrères travaillent révèlent “tout un système organisé de ventes illégales de médicaments”. Dans le dernier message audio reçu par RSF jeudi soir, il indiquait vouloir se rendre à la police ce vendredi, “seule condition pour que sa femme puisse être libérée.”


“En arrêtant des journalistes sur le point de révéler des pratiques de corruption plutôt que les auteurs présumés de ces actes, la police ougandaise se trompe de cible et jette le discrédit sur la sincérité du combat contre la corruption que les autorités disent vouloir mener, déclare Arnaud Froger responsable du bureau Afrique de RSF. Ces journalistes n’ont fait que leur travail et n’ont rien à faire en détention. Nous appelons à leur libération immédiate et sans condition”.


Dans un communiqué, la police déclare avoir arrêté cinq suspects dont deux journalistes, qu’elle accuse de “détention illégale de médicaments classifiés”. Ils risquent jusqu’à 477 euros d’amende et cinq ans de prison.


En décembre dernier, le président Yoweri Museveni avait annoncé en grande pompe la mise en place d’une unité de lutte contre la corruption chargée de traquer les fonctionnaires véreux. Plusieurs arrestations ont eu lieu depuis. L’Ouganda se classe 149e sur 180 dans l’indice de perception de la corruption établi par l’ONG Transparency international.


L’Ouganda (117e) a perdu 5 places dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2018.

Publié le
Updated on 08.02.2019