Mexique : “L’année 2022 débute dans un bain de sang pour les journalistes”

En l’espace d’une semaine, deux journalistes mexicains, Alfonso Margarito Martínez Esquivel et Jose Luis Gamboa Arenas, ont été tués devant leur domicile dans les États de Basse-Californie et de Veracruz. Reporters sans frontières (RSF) déplore ces deux assassinats et exhorte les autorités à poursuivre les responsables et renforcer les mécanismes de protection des journalistes.

L’année 2022 débute dans un bain de sang pour la presse mexicaine, déplore le directeur du bureau Amérique latine de RSF, Emmanuel Colombié. Ces deux assassinats en l’espace d’une semaine  laissent présager d’une nouvelle année sanglante pour la liberté de la presse dans le pays. Mais cette violence qui vise les journalistes et l’impunité habituelle ne doivent pas être une fatalité. Les autorités fédérales et la police du Veracruz et de Baja California doivent tout mettre en œuvre pour identifier et poursuivre les auteurs de ces lâches exécutions. Les mécanismes de protection doivent aussi être renforcés. "


Le 17 janvier 2022, le photojournaliste Alfonso Margarito Martínez Esquivel, a été assassiné près de son domicile à Tijuana, principale ville-frontière avec les États-Unis dans l'État de Baja California. Âgé de 49 ans, il a été mortellement touché par deux coups de feu dans son quartier de Camino Verde alors qu’il partait couvrir un homicide. Spécialisé dans les affaires criminelles et policières, Alfonso Margarito Martínez Esquivel travaillait pour le magazine Semanario Zeta et collaborait régulièrement avec le quotidien La Jornada Baja California et le journal Zeta. Contactée par RSF, Adela Navarro, la directrice de Zeta a confié : “Alfonso a toujours eu des problèmes avec la police à cause des sujets qu’il couvrait. En 2019, des policiers ont même tenté de lui confisquer ses équipements, il y a eu plusieurs incidents comme celui-ci.


Selon ses collègues de travail, Alfonso Margarito Martínez Esquivel s’estimait menacé, notamment par les groupes criminels locaux, et craignait pour sa vie. En décembre 2021, après avoir été intimidé et menacé dans la rue, il avait demandé la protection de l’État de Baja California, mais sa demande n'avait pas été traitée en raison du changement d'administration opéré en novembre. Il avait alors sollicité l’aide du mécanisme fédéral de protection qui avait pris connaissance des menaces pesant sur le journaliste mais ne l’avait pas incorporé officiellement dans son système et n’avait mis en place aucun dispositif de sécurité. 


Une semaine plus tôt, le 10 janvier dans l’État de Veracruz (sud-est du pays), un autre journaliste indépendant, Jose Luis Gamboa Arenas, avait déjà été retrouvé mort. Son corps, découvert à une quinzaine de mètres de son domicile dans le quartier Floresta, dans la ville Veracruz, était criblé de coups de poignard et sa dépouille n’a pu être identifiée que le 13 janvier par sa famille. 


Jose Luis Gamboa Arenas était directeur du site Internet Inforegio-Netword et de l’hebdomadaire El Regional del Norte. Il se consacrait essentiellement à l’écriture d’articles d’opinion et d’enquêtes indépendantes. Sur les réseaux sociaux, il critiquait la corruption de la classe politique locale et ses liens avec le crime organisé. Le jour de sa mort, il avait publié une vidéo intitulée “la guerre pour la narcopolitique” ainsi qu’un article dans lequel il dénonçait l’augmentation des exécutions dans la zone portuaire de Veracruz.


Le 17 janvier, le gouverneur du Veracruz Cuitláhuac García a annoncé que le Parquet local avait bien avancé dans l’enquête et considérait sérieusement la piste professionnelle. Le mécanisme local de protection des journalistes, la CEAPP, a de son côté déclaré qu’il ne faisait l'objet d'aucun “antécédent d'agression” ou de “menaces” et ne bénéficiait pas d’une protection particulière. 


Alfonso Margarito Martínez Esquivel et Jose Luis Gamboa Arenas sont les deux premiers journalistes assassinés en 2022 au Mexique. D’après le décompte de RSF, au moins sept journalistes y ont été tués en 2021, faisant du pays le plus meurtrier du monde pour la presse.


Le Mexique occupe la 143e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2021.

Publié le
Mise à jour le 21.01.2022