Malaisie : la journaliste Tashny Sukumaran poursuivie pour avoir couvert un raid de la police lié au Covid-19
Reporters sans frontières (RSF) demande la levée immédiate des charges portées contre cette reportrice, qui est accusée de trouble à l’ordre public en raison d’un article sur des arrestations massives de travailleurs migrants dans le cadre de la lutte contre la pandémie de coronavirus.
Elle risque deux ans de prison. Tashny Sukumaran, correspondante du quotidien hongkongais South China Morning Post à Kuala Lumpur, est convoquée aujourd’hui, mercredi 6 mai, par la police du quartier de Bukit Aman. Elle est poursuivie en vertu de la section 504 du code pénal malaisien, qui punit toute “insulte entraînant un possible trouble à l’ordre public”, et de la section 233 de la loi sur les communications et le multimedia de 1998, qui vise “l’usage impropre de services de réseaux”.
En guises d’“insulte” et de “trouble à l’ordre public”, Tashny Sukumaran s’est contentée de co-signer, avec son confrère basé à Hong-Kong Bhavan Jaipragas, un article sur des arrestations massives de migrants et réfugiés effectuées dans le cadre d'un coup de filet de la police au sein de foyers de travailleurs dits en "zone rouge", où le taux de contamination au Covid-19 serait particulièrement élevé. L’opération a été menée quelques heures à peine après que le Ministère de la santé a assuré aux migrants sans-papiers qu’ils n’avaient “rien à craindre” en se présentant aux autorités pour des tests de dépistage.
Le lendemain de la parution de l'article, samedi 2 mai, la correspondante recevait un coup de téléphone de la police lui apprenant qu'une enquête était ouverte contre elle.
“Nous appelons le parquet malaisien à abandonner immédiatement les accusations absurdes qui pèsent sur Tashny Sukumaran, déclare Daniel Bastard, responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF. La Malaisie a enregistré la plus forte hausse dans l'édition 2020 du Classement de la liberté de la presse de RSF, essentiellement grâce à une nette amélioration du climat de censure et d'autocensure chez les journalistes malaisiens. Mais l'affaire Tashny Sukumaran est un rappel que le pays peut à nouveau sombrer dans le classement si le gouvernement n'amende pas au plus vite les lois liberticides qui pèsent sur la presse.”
La Malaisie a connu la première alternance politique de son histoire il y a deux ans, améliorant largement l'environnement de travail des reporters. Pourtant, le pouvoir exécutif dispose encore d’un arsenal législatif absolument draconien pour réprimer la liberté de la presse : la loi sur la sédition de 1948, la loi sur les secrets officiels de 1972, la loi sur la presse et les publications de 1984 et la loi sur les communications et le multimédia de 1998 sont autant de textes extrêmement répressifs - contrôle strict des licences de publication par l’exécutif, peines de prison allant jusqu’à 20 ans à l’encontre des journalistes accusés de "sédition"…
En hausse de 22 places par rapport à 2019, la Malaisie occupe le 101e rang sur 180 pays dans l’édition 2020 du Classement mondial de la liberté de la presse publié par RSF.