Madagascar s'apprête à voter un code de la communication liberticide

Les députés malgaches auront à se prononcer ce 17 juin sur un code de la communication, adopté mercredi 15 juin par le Sénat. Reporters sans frontières (RSF) dénonce ce texte de loi dont certains articles portent une grave atteinte à la liberté de la presse.

La réforme du code de la communication est prévue depuis plus de deux ans à Madagascar. Malheureusement, malgré la consultation de quelques journalistes lors de sa rédaction, le texte qui doit être voté ce 17 juin par les députés malgaches risque d'entraver la profession plus qu'il ne la protège.


Le projet de loi continue de faire référence au code pénal pour statuer sur les délits de presse. Ainsi les journalistes seront potentiellement sujets à des peines d'emprisonnement. Il prévoit également, dans des termes trop vagues pour être sécurisants, des peines d'amendes démesurées pour certains délits commis par voie de presse, notamment la diffamation.


Et le filet est assez serré. Ainsi l'article 24 stipule que toute allégation ou imputation d'un fait incorrect contre un Etat (étranger), un corps de l'Etat, ou l'Armée est passible d'une amende allant d'un million à six millions d'ariary (entre 250 et 1650 euros), soit sept fois le salaire minimum. L'article 30 introduit quant à lui la notion fort contestable de "fausse nouvelle" pénalisant ainsi toute possibilité d'erreur des journalistes, pourtant légitime. Ce type de publication pourra valoir à son auteur une amende de 3 à 6 million d'ariary.


Le texte prévoit également de pénaliser des mêmes amendes les publications de nature à "ébranler la discipline ou le moral des armées" ou "la confiance du public en la solidité de la monnaie", ou "porter atteinte aux bonnes mœurs".


"Certains articles de cette loi sont une atteinte fondamentale à la liberté de l'information, déclare Reporters sans frontières. Le journaliste n'a pas pour fonction d'être un gardien de la paix sociale mais de donner l'information, même si celle-ci dérange. La disproportion des peines envoie un message tout à fait menaçant aux journalistes qui risquent de tomber dans l'autocensure. D'autant plus que les processus de qualification des faits restent flous. Il est important que la loi ne soit pas votée en l'état et que les recommandations des journalistes soient entendus par leurs élus".


Les journalistes malgaches ont prévu un rassemblement devant l'Assemblée nationale ce vendredi pour protester contre le vote du texte en l'état. La profession reste très défiante envers le gouvernement, qui n’a pas tenu sa promesse de faire amender la très controversée loi sur la cybercriminalité, dénoncée par RSF. En août 2014 le gouvernement avait promis que cette loi serait amendée en même temps que le Code de la communication. L'article 20 de cette loi est particulièrement violent puisqu'il prévoit que "l'injure ou la diffamation commise envers" les représentants de l'Etat par le biais de supports écrits ou électroniques sera punie de deux à cinq ans d'emprisonnement et/ou d’une amende de 2.000.000 (600 euros) à 100.000.000 d'ariary (30 000 euros).


Madagascar occupe la 56ème place dans le Classement 2016 de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières.

Publié le
Mise à jour le 17.06.2016