Libye : le journaliste Ismail Ali Bouzriba est-il vraiment libre?

Reporters sans frontières (RSF) salue la libération de Ismail Ali Bouzriba détenu arbitrairement pendant trois ans, mais ce dernier restant sous la surveillance des forces de sécurité intérieure affiliée aux forces du général Haftar, RSF appelle à la levée de toutes les restrictions imposées au journaliste.

Libre, mais épuisé et toujours sous haute surveillance... Le correspondant de la Libyan Cloud News Agency et Ajdabia TV, Ismail Ali Bouzriba a bénéficié d’une mesure d’amnistie du commandement des forces armées du général Khalifa Haftar qui contrôlent l’est de la Libye, et qui le maintenaient en détention depuis le 20 décembre 2018. Le journaliste est sorti de prison dans la soirée du 11 septembre, mais ses proches et collègues s’inquiètent de savoir jusqu’à quel point il a réellement retrouvé la liberté.

 

Détenu arbitrairement et maintenu à l’isolement pendant plus de deux ans et demi, le journaliste est aujourd’hui très affaibli physiquement et psychologiquement. Il reste aussi sous l’emprise de ses anciens geôliers. Selon des informations recueillies par RSF, lors de sa mise en liberté, Ismail Ali Bouzriba a dû signer un engagement lui interdisant de parler aux médias mais aussi de documenter ses conditions de détention auprès des organisations internationales.

 

A ce jour, Ismail Ali Bouzriba n’a reçu aucun document attestant de la fin des poursuites à son encontre, ni de l’extinction des peines dont il fait l’objet. Le journaliste et ses proches restent convaincus qu’il peut, à tout moment, être à nouveau emprisonné. Il avait été condamné en mai 2020 par un tribunal militaire à Benghazi à 25 ans de prison pour “communication avec une chaîne de télévision qui soutient le terrorisme”. Cette chaine Annabaa TV, accusée d’être financée par un membre d’Al Qaida et considérée proche des forces qui contrôlent l’Ouest du pays, a depuis été fermée.

 

Reporters sans frontières salue la libération d'Ismail Ali Bouzriba après une détention injustifiée  de près de trois ans, déclare le directeur du bureau Afrique du Nord de RSF, Souhaieb Khayati.  Mais les restrictions imposées par les forces de sécurité intérieure proches du général Haftar et la lourde peine de prison qui continue de peser sur lui font douter de la réalité de cette libération. Il est aujourd’hui primordial que le journaliste soit lavé de tout soupçon, que sa condamnation infondée à 25 ans de prison puisse être levée et qu’il puisse reprendre son activité d’information au plus vite.

 

Depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011, aucune forme de gouvernance n’a fait consensus et deux gouvernements exercent de facto un contrôle limité du pays. L’instabilité politique et sécuritaire fait payer un lourd tribut aux médias et aux journalistes, qui sont régulièrement parties prenantes du conflit et victimes d’attaques. A la connaissance de RSF, Ismail Ali Bouzriba était le seul journaliste en détention. Mais deux journalistes tunisiens, Sofiane Chourabi et Nadhir Ktari partis en reportage en Libye sont toujours portés disparus depuis le 8 septembre 2014.


La Libye est 165e au Classement mondial de la liberté de la presse 2021 de RSF

Publié le
Updated on 16.09.2021