Liberté de l’information : un pas en avant, trois pas en arrière

Une décision de la Cour constitutionnelle favorable à la liberté de l'information ne peut faire oublier que trois médias ont fait l'objet de perquisitions par la police au Zimbabwe en l'espace de quelques jours. Reporters sans frontières se demande jusqu'où ira la violence ?

C’est une demi victoire pour la liberté de l’information. Le 12 juin 2014, la Cour constitutionnelle a rendu un arrêt déclarant que les poursuites pénales pour diffamation sont en violation avec la nouvelle Constitution adoptée en 2013. Cet arrêt a permis l'abandon des poursuites pénales contre Stanley Gama, le rédacteur en chef du groupe Associated Newspaper of Zimbabwe (ANZ) qui publie le Daily News et le Daily News on Sunday et Fungi Kwaramba, l’un de ses journalistes. Les deux hommes étaient poursuivis en diffamation depuis le 7 avril 2014 par le puissant entrepreneur omanais Kamal Khalfan, pour une série d'articles, suggérant que le chef d’entreprise controversé usait de ses relations politiques avec le parti au pouvoir du Zanu PF pour contracter des marchés douteux. Si les journalistes sont maintenant hors d'atteinte des tribunaux pénaux, le Daily News est toujours poursuivi au civil pour 10 millions de dollars américains. « Cette décision de la Cour constitutionnelle est un signe positif, mais il faut se rappeler que celle-ci avait déjà statué en ce sens. » déclare Cléa Kahn-Sriber, responsable du bureau Afrique à Reporters sans frontières. "Or le code pénal n'a toujours pas été amendé et des journalistes continuent d'être arrêtés et inquiétés comme les évènements récents le démontrent. RSF appelle les autorités zimbabwéennes à mettre leur code pénal en conformité avec leur Constitution et à cesser le harcèlement des journalistes et des médias." En effet, dans la semaine écoulée, trois médias ont été violemment perquisitionnés par la police, des journalistes arrêtés et certains matériels saisis. Dans la matinée du 19 juin, la police a perquisitionné la résidence d’Edmund Kudzayi, le rédacteur du journal d'Etat, le Sunday Mail avant de se rendre à la Herald House, à Harare, qui accueille les rédactions du The Herald et The Sunday Mail, et d'y confisquer un ordinateur. Le rédacteur a ensuite été arrêté et demeure toujours en détention. La police a déclaré que cette arrestation faisait suite à des « publications qu’il a faites ». Le même jour, le rédacteur du journal privé, le Zimbabwe Independent, Dumisani Muleya, était activement recherché par la police qui s'est rendue à sa rédaction où ses collègues ont refusé de livrer son adresse personnelle. Les raisons derrière cette tentative d'arrestation demeurent inconnues. Depuis, il se cache par peur. Dumisani Muleya avait déjà été arrêté en avril 2013. Le 17 juin, c'était la radio communautaire Kwelaz qui faisait l'objet d'un violent raid de la police sous prétexte que celle-ci exerçait sans licence. Dotés d'un mandat de perquisition, les policiers ont démonté les équipements du studio de radio et confisqué plusieurs CD ainsi qu'un ordinateur. Au Zimbabwe, malgré la libéralisation des radios en 2012, seules deux radios privées, proches du parti Zanu PF au pouvoir, ont obtenu leur licence. Les demandes de licence de la Radio Kwelaz n'ont, à ce jour, toujours pas reçu de réponse. Si les autorités ont déclaré le 19 juin que la radio était à nouveau autorisée à émettre, leur équipement ne leur a toujours pas été restitué. Le Zimbabwe est classé 135e sur 180 pays dans l’édition 2014 du Classement mondial de la liberté de la presse de Reporters sans frontières.
Publié le
Updated on 20.01.2016