Les médias de la zone frontalière nord contraints à l’autocensure ?

Neuf jours après l’assassinat de Jaime Guadalupe González Domínguez, les médias diffusés dans les Etats de Chihuahua et Coahuila, essuient de nouveaux coups durs. Zócalo – l’un des principaux quotidiens de Coahuila – a annoncé le 11 mars 2013 renoncer à couvrir les événements liés au crime organisé, afin de protéger la vie de ses employés, quelques jours après avoir reçu des menaces. Les 7 et 8 mars, des dizaines de banderoles, contenant des menaces de mort à l’encontre de Francisco Juaristi, le directeur du groupe éditorial, et provenant apparemment de groupes criminels, avaient été déployées dans les rues de plusieurs villes de la région. Le Secrétaire du gouvernement de l’État de Coahuila, Armando Luna Canales, a annoncé avoir pris des mesures afin de protéger les locaux du journal. Tout en saluant la bonne volonté affichée par les autorités, Reporters sans frontières s’interroge toutefois sur l’efficacité de telles mesures. De fait, la présence de policiers devant l’édifice du journal El Siglo de Torreón (Coahuila) – après l’enlèvement de cinq de ses employés, le 7 février 2013 – n’a pas empêché ce média d’être la cible d’attaques armées à trois reprises, les 25, 26 et 27 février. Par ailleurs, Reporters sans frontières appelle les autorités à faire toute la lumière sur la mort de Víctor Javier Campos, employé de El Diario, à Ciudad Juárez (Chihuahua), quotidien qui avait également été la cible d’un attentat, le 6 mars 2013. L’employé, porté disparu depuis deux jours, a été retrouvé pendu le 9 mars dans la salle de bain d’une chambre d’hôtel, à Agua Prieta, dans l’État voisin de Sonora. Le corps ne présentait apparemment pas de traces de violences. Il pourrait s’agir d’un suicide, mais la piste de l’assassinat ne saurait être écartée. Enfin, concernant Jaime Guadalupe González Domínguez, de nouvelles révélations confortent la thèse d’un assassinat perpétré pour des motifs professionnels. Le journaliste aurait reçu des menaces écrites à plusieurs reprises de la part de personnes réclamant que certaines informations ne soient pas révélées. Ces menaces avaient poussé González à envisager de vendre le portail d’informations OjinagaNoticias et de déménager à Mazatlán (Sinaloa). -------------------------------- 06.03.2013 - L’assassinat d’un journaliste signe la fin du média qu’il dirigeait Reporters sans frontières appelle les autorités mexicaines à enquêter rapidement sur l’assassinat de Jaime Guadalupe González Domínguez, reporter et directeur du portail d’informations OjinagaNoticias, dans la ville d’Ojinaga (Chihuahua), située à la frontière avec les Etats-Unis, le 3 mars 2013. Selon le parquet général de l’Etat du Chihuahua, des hommes armés ont arrêté Jaime Guadalupe González Domínguez au croisement des rues 13 et Trasviña y Retes, alors qu’il rentrait chez lui en voiture, vers 18h30. Le journaliste – âgé de 38 ans et père de deux filles – a reçu 18 impacts de balles de gros calibre. Les agresseurs ont emporté son appareil-photo. Selon le journal La Jornada, l’appareil-photo contenait des clichés d’un membre d’un groupe criminel pris par le journaliste. La femme qui accompagnait le journaliste est sortie indemne et choquée. Le lendemain de cet assassinat, le portail OjinagaNoticias a publié un article indiquant que Jaime Guadalupe González Domínguez avait été assassiné la veille, et qu’il était "très probable que cela soit (leur) dernière publication", déplorant "cet attentat contre le journalisme". A la mi-journée, les autres journalistes collaborant pour le site ont décidé de suspendre les activités d’OjinagaNoticias, craignant d’être la cible d’attaques similaires, selon des sources proches de Reporters sans frontières. Parmi les derniers articles publiés par ce média – qui traitait d’informations diverses – deux faisaient référence à l’arrestation et à l’incarcération de racketteurs, et à des homicides ayant eu lieu récemment dans la ville. Reporters sans frontières exprime sa profonde inquiétude face à cette nouvelle attaque contre la liberté de l’information, portant la marque du crime organisé. Le Mexique semble s’enfoncer dans une spirale de la violence à l’encontre des journalistes et des net-citoyens, en toute impunité. Si plusieurs médias mexicains ont déjà renoncé à parler des ravages liés au narcotrafic, la fermeture d’un journal reste un événement rare et préoccupant dans un tel contexte. Moins de 72 heures après cet assassinat, les médias de l’Etat de Chihuahua ont fait les frais de la violence armée une fois de plus. Ainsi, à Ciudad Juárez, le journal El Diario et la chaine de télévision Canal 44 ont été l’objet d’attaques armées le 6 mars, vers 1h du matin, recevant respectivement 7 et 10 impacts de balles de gros calibre. Le Réseau des journalistes de la ville a exprimé son indignation face à une telle violence, fustigeant l’incapacité des autorités à faire respecter l’état de droit au Mexique.
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Updated on 20.01.2016