Les journalistes se mobilisent pour dénoncer la violence policière

« La violence déployée par les policiers contre les journalistes au cours des derniers jours rappelle de mauvais souvenirs, comme si les anciennes méthodes étaient de retour, près de quatre mois seulement après la chute de Zine el-Abidine Ben Ali. Nous demandons au gouvernement de transition d’ouvrir une enquête sur ces incidents et de donner des instructions claires aux forces de l’ordre afin que de telles pratiques cessent », a déclaré Jean-François Julliard, secrétaire général de Reporters sans frontières. Le 9 mai 2011, plusieurs dizaines de journalistes sont descendus dans les rues de Tunis pour dénoncer les attaques brutales dont ont été victimes une quinzaine de journalistes qui couvraient des manifestations dans la capitale entre les 5 et 7 mai dernier. Violemment pris à partie, leur matériel avait été soit confisqué, soit détruit. Les interpellations avaient été nombreuses, les policiers ne faisant pas la différence entre manifestants et professionnels de l’information. L’appel à manifester a été lancé par le Syndicat national des journalistes tunisiens pour exhorter les autorités à préserver la liberté de presse et empêcher tout retour aux pratiques de l’ancien régime. Selon le Syndicat, ces violences commises par les agents de police ont pour but de verrouiller les médias et priver l’opinion publique de l’information en Tunisie. Ainsi, le journaliste du quotidien francophone La Presse et correspondant pour l’AFP, Abdelfattah Belaid, a été pris en chasse par des agents de police qui l’avaient poursuivi dans les locaux de son journal et tabassé avec une barre de fer sur la tête. Deux appareils photos et un ordinateur portable lui ont été confisqués. La veille déjà, des policiers avaient agressé une journaliste de Radio Kalima, Marwa Rekik, qui réalisait un reportage avenue Bourguiba, en fin d’après-midi. Violemment frappée à la tête, la victime a dû être hospitalisée. Zoubeir Souissi, photographe de l’agence Reuters, a relaté à l’Agence France-Presse s’être vu interdire, par des policiers, de prendre des photos, avant d’être roué de coups de pieds et de matraque. Il déclare s’être fait voler son appareil photo par un agent, qu’il a dû soudoyer pour le récupérer. D’après le communiqué de presse du Syndicat des journalistes, ont également été victimes des violences policières : - Mohamed El-Hammi de l’agence European Photo Agency
- Hassan Dridi d’Associated Press,
- Hamza Elaouini de l’agence de presse TV,
- Lofti Hajji, Mohamed Amin Ben Nejma et Anass Ben Salah de la chaîne Al-Jazeera,
- Chaffya Ibrahim du journal arabophone Echourouk,
- Houssem Hamed de la radio privée tunisienne Chems FM,
- Nizar Elhajbi du quotidien francophone La Presse,
- Ahmed Elfouli et Monia Abdallah de la chaîne Hannibal TV,
- Massoud Kawach du journal arabophone El-Sahafa.
Le 6 mai dans la soirée, le ministère de l’Interieur avait présenté ses excuses “aux journalistes et aux citoyens agressés involontairement”. Selon l’AFP citant une source officielle, certains policiers agresseurs de journalistes auraient été identifiés. Par ailleurs, Reporters sans frontières demande aux autorités de s’expliquer sur le blocage d’une page Facebook et sur le fondement juridique d’une telle mesure, qui fait référence à une décision militaire. Le profil Facebook de Jalel Brick a été rendu inaccessible le 7 mai 2011. La mention suivante s’affiche lorsque l’on tente de se connecter : “Cette page web a été filtrée en application d'une réquisition émanant du juge d'instruction auprès du Tribunal Militaire Permanent de Tunis - Agence Tunisienne d'Internet - © 2011”. La version https de ce même profil demeure accessible : https://www.facebook.com/jalel.brick. ---------- 6.05.2011 - Des journalistes brutalement agressés dans le centre-ville de Tunis Le 6 mai 2011, un journaliste du quotidien francophone La Presse, Abdelfattah Belaid, a été agressé par des policiers dans les locaux de son journal. Abdelfattah Belaid était en train de prendre des photos de policiers réprimant des manifestants avenue Bourguiba, à Tunis, lorsqu’il a été pris en chasse par trois agents de police. Ces derniers l’ont poursuivi jusqu’au siège du journal situé à une cinquantaine de mètres. Ils n’ont pas hésité à monter dans les étages, tabassant le journaliste avec une barre de fer sur la tête, alors qu’il se trouvait au troisième étage du bâtiment. Ils lui ont enlevé ses chaussures et pris ses appareils photos. Le journaliste a été transféré dans une clinique pour y faire des scanners. Contacté par Reporters sans frontières, Sofiane Ben Farhat, rédacteur en chef du journal La Presse, a exprimé son émoi : « Nous sommes choqués par ce qui est arrivé à notre confrère. Je m’inscris contre ces pratiques qui remontent à un autre âge. Au lendemain de la Journée internationale de la liberté de la presse, il y a d’autres signes forts à envoyer que celui de la chasse à l’homme d’un journaliste. Nous avons demandé au Syndicat des Journalistes d’entrer en contact avec les autorités afin que cela cesse. » La veille déjà, des policiers avaient agressé une journaliste de Radio Kalima, Marwa Rekik, qui réalisait un reportage avenue Bourguiba, en fin d’après-midi. Violemment frappée à la tête, la journaliste a dû être hospitalisée. La capitale tunisienne est secouée par une nouvelle onde de chocs depuis la diffusion, dans la soirée du 4 mai dernier, d’une vidéo dans laquelle Farhat Rajhi, ancien ministre de l’Intérieur du gouvernement Essebsi, qualifié de « Monsieur Propre », filmé selon lui à son insu, est revenu sur les conditions de son éviction, ainsi que sur la nomination, contre son gré de RCDistes aux postes de gouverneurs. « Depuis, la crispation des policiers est réelle. On constate un réel durcissement des méthodes à l’égard des journalistes », a déclaré Sofiane Ben Farhat à Reporters sans frontières.
Publié le
Updated on 20.01.2016