Les journalistes ougandais interdits de couvrir l’actualité de l’opposition politique

Les journalistes ougandais qui tentaient de couvrir le retour au pays de l’opposant politique Kizza Besigye ont été bloqués par un barrage militaire sur la route de l'aéroport le 3 octobre. Quant aux journalistes officiellement accrédités pour couvrir le Parlement, ils n’échappent pas aux pressions et critiques et sont accusés de travailler pour l’opposition.

Black out sur l’opposition


Le 3 octobre 2016, les journalistes partis couvrir l’arrivée de l’opposant historique Kizza Besigye ont été bloqués sans ménagement sur la route de l’aéroport par un barrage de l’armée et des forces de police anti-terroristes. Quelques heures plus tard, Kizza Besigye lui-même était arrêté. Les forces de sécurité ont déclaré agir sur ordre de la Commission ougandaise des Communications (UCC), une accusation que l’organe de régulation a démentie sur Twitter dès le lendemain, expliquant que son “mandat n’était pas le maintien de l’ordre… mais celui du Conseil des médias.”


“Le gouvernement empêche violemment les journalistes de faire leur travail, en cachant ses exactions derrière des organes de régulation, c’est inadmissible, déclare Cléa Kahn-Sriber, responsable du bureau Afrique. Le pouvoir exécutif doit cesser de faire pression sur les journalistes qui font leur travail en couvrant l’actualité de l’opposition.”


Les véhicules de couverture en direct des chaînes de télévision Nile Broadcasting Service (NBS) et Nations Television (NTV) ont été contraints de faire demi-tour par les forces de l’ordre. Lors d’une altercation avec des agents de police, le journaliste Stephen Kafeero du quotidien indépendant Daily Monitor a été menacé d’être arrêté, s’il ne cessait pas d’enregistrer ou de prendre des photographies du barrage. Son téléphone portable lui a été brièvement confisqué.


La semaine dernière, le chef des forces de police ougandaises, Kale Kayihura, avait accusé les médias d’être “biaisés” et de travailler pour le compte de l’opposition dans le but de discréditer le gouvernement.


Un Parlement sous surveillance


Depuis l’année dernière et le début de la période pré-électorale en Ouganda, l’étau s’est resserré autour des journalistes. Toute couverture mettant en cause les autorités ou traitant de l’opposition est aujourd’hui remise en cause ou soumise à la censure des autorités.


Dernière proposition liberticide en date, celle de la porte-parole du Parlement, Rebecca Kadaga, qui a proposé, le 15 septembre 2016, de légiférer sur la possibilité pour les parlementaires de poursuivre en justice les journalistes qui couvriraient de façon “négative” l’institution pour “outrage au Parlement”. Elle les a qualifiés "d’ennemis" de l’institution. Cette mesure faisait suite à deux articles des quotidiens Daily Monitor et The Observer sur le train de vie des représentants du peuple. Les rédacteurs en chef des Daily Monitor, The Observer et Ugandan Radio Network (URN) (qui avait repris l’un des articles) ont eux été convoqués le 5 octobre 2016 devant le Comité parlementaire sur les règles, les privilèges et la discipline afin d’être interrogés sur les articles incriminés.


Selon plusieurs experts de droit constitutionnel ougandais, cette mesure est anti-constitutionnelle et constitue une violation de l’esprit de la loi qui prévoit que l’outrage au Parlement ne devrait être utilisé que pour maintenir le calme lors des sessions et assurer le bon déroulé de celles-ci.


Le 28 juin 2016, le Parlement avait refusé les accréditations de plusieurs journalistes sous prétexte qu’ils n’étaient pas titulaires d’un diplôme universitaire. Parmi ceux-ci, Yasiin Mugerwa, correspondant au Parlement du Daily Monitor depuis dix ans.


L’Ouganda occupe la 102eme place dans l’édition 2016 du Classement de la liberté de la presse établi par RSF.
Publié le
Updated on 06.10.2016