Le nouveau mandat de Vladimir Poutine s’ouvre sous de mauvais auspices pour les médias

Reporters sans frontières condamne fermement les interpellations massives et les passages à tabac de plus d’une quinzaine de journalistes lors de manifestations de l’opposition, les 6 et 7 mai 2012 à Moscou, pour protester contre l’investiture du président nouvellement élu, Vladimir Poutine. “Le nouveau mandat de Vladimir Poutine s’ouvre sous de sombres auspices pour les médias. Nous sommes choqués de voir avec quel degré de brutalité les forces de l’ordre s’en sont pris aux journalistes. Ces derniers sont délibérément visés sans qu’aucune distinction ne soit faite entre les manifestants et ceux venus couvrir l’événement, munis de leur carte de presse. De telles exactions sont inadmissibles. Nous demandons à ce que les autorités cessent de prendre les journalistes pour cible”, a déclaré Reporters sans frontières. “Il est non moins intolérable que des professionnels des médias aient également été pris à partie par des manifestants. Le respect de la presse est indispensable au développement d’une société démocratique”, a ajouté l’organisation. Le 7 mai 2012 a eu lieu la cérémonie d’investiture du président, Vladimir Poutine, réélu pour un troisième mandat après la parenthèse du règne de Dimitri Medvedev. A l’instar des manifestations post-électorales de décembre 2011 et de mars dernier, qui avaient entraîné de nombreuses arrestations, l’opposition s’est réunie dans le centre de Moscou pour “la Marche des millions”, mouvement remettant en cause la légitimité du nouveau chef de l’Etat. D’après les informations recueillies par Reporters sans frontières, au moins trois journalistes ont été passés à tabac en marge de la manifestation du 6 mai. Tikhon Dzyadko, journaliste d’Echo de Moscou, et Anna Nemtsova, correspondante de Newsweek, ont été violemment frappés par les forces de police qui tentaient de disperser les manifestants. La journaliste a reçu plusieurs coups de matraque qui ont manqué de briser son matériel. Au cours de la même journée, deux journalistes de la chaîne de télévision NTV, ont été violemment malmenés par un groupe de manifestants agressifs, alors qu’ils couvraient la manifestation sur la place Bolotnaïa, au centre de Moscou. Leur matériel professionnel a été brisé. En outre, au moins cinq journalistes ont été conduits au commissariat par les forces de police. D’après des sources locales, il s’agissait notamment de correspondants du Kommersant et de Pravo.ru, dont les noms n’ont pas été communiqués, d’Aleksandr Savelev, journaliste pour Lenta.ru, ainsi que des correspondants de Gazeta.ru et Moskovskie Novosti, Aleksandr Artemev et Sergueï Minenko, tous deux interpellés non loin de la station de métro “Novokouznetskaïa”, comme plus de 50 manifestants. Ils ont été relâchés après quelques heures de garde à vue. Le lendemain, au moins sept journalistes ont subi le même sort, parmi lesquels figuraient trois autres correspondants du journal Kommersant, Maria Semendyaïeva et ses collègues Aleksandr Orlov et Aleksandr Tchernikh, le journaliste de la BBC, Leonid Ragozin, Ilya Barabanov du New Times, Olesya Guerasimenko, éditorialiste du magazine Kommersant-Vlast, et Kevin Olin, du Moscow Times. Au total, pas moins de treize journalistes ont été interpellés alors qu’ils couvraient les différents foyers de la manifestation. Par ailleurs, le 6 au matin, alors que débutaient les manifestations, plusieurs grands médias indépendants et d’opposition, ont été victimes de cyber-attaques massives (DDoS), qui ont rendu leurs sites Internet inaccessibles pendant plusieurs heures. Il s’agit notamment des sites du journal Kommersant, de la radio Echo de Moscou, de Bolshoï Gorod, Slon.ru et de la chaîne de télévision en ligne Dojd. Aujourd’hui, les médias sont toujours soumis à de fortes pressions et le métier de journaliste est encore synonyme de prise de risque. Ces exactions soulignent les défis à relever pour faire progresser la liberté de l’information en Russie. A la tête d’un pays qui change, le “nouveau” président, Vladimir Poutine, qualifié de “prédateur de la liberté de la presse” par Reporters sans frontières, devra montrer qu’il est prêt à renoncer aux méthodes autoritaires et répressives qui l’ont caractérisé dans le passé. S’il veut prouver qu’il a changé, le président devra faire de la protection des journalistes une priorité.
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Updated on 20.01.2016