Le gouvernement va-t-il expulser tous les journalistes qui font leur travail ?

Quatre jours à peine après l’expulsion de la journaliste indépendante Sadio Kante Morel, c’est au tour d’Elie Smith, journaliste de nationalité camerounaise travaillant pour MNTV, d’être renvoyé du territoire congolais. Le ministère de l’Intérieur l’accuse de propos séditieux. Elie Smith, journaliste camerounais et directeur de la télévision MNTV appartenant au frère du président de la République, a été expulsé vendredi 26 septembre du territoire congolais avec « interdiction formelle d’y séjourner ». Depuis Douala où il a trouvé refuge, le journaliste raconte à Reporters sans frontières : « Une dizaine de policiers en civil sont venus me chercher à mon bureau. Ils ne m’ont laissé prendre rien d’autre que mon passeport. Ils m’ont m’escorté comme un criminel vers l’aéroport, où m’a été présenté l’arrêté d’expulsion signé du ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation ». Dans ce document, le journaliste est accusé pêle-mêle de « nombreux actes et propos séditieux et subversifs », d’être « en intelligence avec les puissances étrangères œuvrant contre les intérêts de la République du Congo » et d’« activisme politique débordant ». « Cette expulsion, en plus d’être scandaleuse, est très inquiétante pour l’avenir de la liberté de l’information au Congo Brazzaville, déclare Cléa Kahn-Sriber, responsable du bureau Afrique chez Reporters sans frontières. Le gouvernement congolais compte-t-il ainsi se débarrasser successivement de tous les journalistes qui font leur travail ? Nous exhortons les autorités à mettre un terme à cette vague de censure qui questionne sérieusement la volonté du gouvernement d’offrir des garanties démocratiques à ses citoyens lors du référendum et des élections à venir ». Le 10 septembre dernier, Elie Smith avait été victime d’un violent braquage à son domicile de Brazzaville, suite à la publication sur sa page Facebook de photos de militants ensanglantés qui avaient été, selon le journaliste, violemment frappés par des hommes d’une unité spéciale de la police congolaise, à la sortie d’un meeting de l’opposition. Alors que le directeur général de la police, Jean-François Ndenguet, avait déclaré vouloir retrouver les coupables du braquage, le journaliste avait quant à lui demandé à ce que l'on recherche également les commanditaires. Cette requête avait fortement déplu à Ndenguet, connu pour avoir proféré des menaces envers des journalistes, notamment Elie Smith. Cette agression a été unanimement condamnée par la profession et plusieurs organisations internationales. Dans une déclaration, la délégation de l’Union européenne et les missions diplomatiques de ses Etats membres formaient « le vœu que Monsieur Elie Smith soit en mesure de continuer à travailler avec le grand professionnalisme qui le caractérise, sans craindre qu’une agression ne vise à nouveau l’un de ses proches ou lui-même ». Il semblerait néanmoins que la pression de la communauté internationale et de la société civile n’ait pas suffi à protéger Elie Smith. La journaliste qui avait signalé l’agression d’Elie Smith, Sadio Kante Morel, a elle-même été expulsée lundi 22 septembre après avoir été convoquée pendant plusieurs heures à la direction générale de la police. Le message des autorités est clair : il ne fait pas bon être journaliste au Congo Brazzaville qui occupe la 82e position sur 180 pays, dans le Classement mondial 2014 de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières. (en photo: Elie Smith)
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Updated on 20.01.2016