Le directeur d’un canal d’information iranien réfugié en France enlevé par le régime islamiste
Les gardiens de la révolution iranienne ont annoncé l'arrestation du "contre révolutionnaire" Rouhollah Zam au cours d'une "opération élaborée et professionnelle". L’opposant au régime islamique vivait en exil en France, où il dirigeait un canal d’information sur Telegram.
Une vidéo diffusée dans la soirée du 14 octobre sur la télévision d’Etat iranienne montre Rouhollah Zam les yeux bandés et les mains menottées monter dans une voiture, puis assis sur une chaise, au côté du drapeau iranien et de celui des gardiens de la révolution, déclarer : « Je regrette mes propos et tout ce que j’ai fait ces dernières années (…) et notamment d’avoir fait confiance aux Etats étrangers et surtout à la France… »
L’opposant au régime iranien, Rouhollah Zam était réfugié politique en France depuis 2011. Et c’est depuis Paris qu’il dirigeait AmadNews, un canal d’information sur la plateforme de messagerie cryptée Telegram. AmadNews publiait des informations confidentielles notamment sur la corruption des responsables du régime, et était devenu l'une des principales cibles des attaques et des menaces du pouvoir iranien depuis le mouvement de contestation qui avait secoué l’Iran pendant l'hiver 2017-2018.
Fin décembre 2017, au plus fort de la contestation, Telegram avait accepté de fermer AmadNews qui comptait alors près de 1,4 million d'abonnés, à la demande des autorités iraniennes qui lui reprochaient d'avoir incité à la "violence". Le canal d’information avait rapidement repris son activité sous un nouveau nom, "Sedaie mardom" (La voix du peuple). Estimant que cette nouvelle chaîne appelait "à des manifestations pacifiques", le patron de Telegram, Pavel Durov, avait alors refusé de la fermer. Une décision qui a conduit la justice iranienne à ordonner le 30 avril le blocage total de l'application Telegram en Iran.
Personnage controversé, Rouhollah Zam aurait, selon certaines sources, été manipulé à plusieurs reprises par les services des renseignements iraniens et amené à publier des informations erronées. Mais son épouse, Mahsa Razani, est formelle, en aucun cas il n’aurait pu revenir en Iran de son plein gré. D’après elle, son mari est parti vendredi par un vol de la Royal Jordanian et est arrivé à Bagdad samedi matin, après avoir transité par Amman. “Nous n’avions aucune nouvelle de lui jusqu’à ce qu’il appelle dimanche matin, en s’exprimant étrangement”. Le lendemain, lundi, le régime annonce sa capture. “Il n'est pas allé en Iran, il a été kidnappé en Irak”, assure sa femme qui, dans un entretien à IranWire “implore le gouvernement français, qui lui avait apporté sa protection, de faire toute la lumière sur l’enlèvement de mon mari”.
Interrogé sur ce sujet lors d’un point de presse, le quai d’Orsay a expliqué n’avoir aucune information précise sur les circonstances de cette arrestation “en dehors du territoire national”, tout en la condamnant fermement, au nom de l’attachement de la France “au respect de l’Etat de droit, et notamment de la liberté d’expression et du droit d’asile “.
“Cette arrestation d’un responsable d’une chaîne d’information sur Telegram est un enlèvement qui a été minutieusement préparé et organisé par le régime iranien”, dénonce Reza Moini, responsable de la zone Iran-Afghanistan à RSF, qui condamne également le recours par les gardiens de la République islamique aux mauvais traitements pour extorquer des aveux. “Le traitement inhumain et dégradant réservé aux prisonniers d’opinion, notamment aux journalistes et aux journalistes-citoyens, constituent une violation flagrante de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dont l’Iran est partie prenante.”
L’Iran se situe à la 170e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse 2019 de RSF