L'arrêté n°555, un blanc-seing pour les miliciens, prédateurs de la liberté de la presse

Un arrêté pris par le gouvernement d’union nationale libyen basé à Tripoli prévoit la création d’une nouvelle unité anti-terroriste qui sera composée d’anciens miliciens coupables d’exactions envers des journalistes et qui sera dotée de très larges prérogatives en matière de surveillance. Reporters sans frontières (RSF) demande le retrait immédiat du texte.

Le gouvernement d’union nationale libyen basé à Tripoli, et reconnu par la communauté internationale, a publié le 7 mai 2018 l'arrêté n°555 qui fixe les modalités de création d’une nouvelle unité anti-criminalité et anti-terroriste. L’article 13 du texte dissout la milice ”Al Radaa” - connue pour avoir enlevé, détenu et torturé plusieurs journalistes et saccagé à deux reprises des locaux d’Annabaa TV- et prévoit d'intégrer ses membres à la nouvelle unité qui portera le même nom.


L'article 4 de l'arrêté donne en outre aux membres de cette nouvelle force de larges prérogatives dans l’utilisation de moyens techniques de surveillance pour lui permettre d’intercepter toutes les “informations susceptibles de compromettre la sécurité du pays, la paix sociale ou la sûreté nationale sur les réseaux sociaux ou via les moyens de communication classiques”.


Donner des pouvoirs élargis en matière de surveillance à d’anciens miliciens qui se sont rendus coupables d’exactions dans le passé contre des civils et des journalistes est particulièrement inquiétant. Et ce d’autant plus dans le contexte politique actuel en Libye qui voit la désagrégation des autorités étatiques, s’alarme Reporters sans frontières. L’arrêté n°555 est un blanc-seing aux chefs de guerre qui peuvent désormais légalement surveiller les communications de la population et notamment des journalistes sans aucune garanties juridiques. Nous appelons le gouvernement Sarraj à retirer l’arrêté n°555 et à mettre en place des lois garantissant la protection de la vie privée et des données personnelles.”


Du matériel de surveillance et d'interception a été vendu à partir d’août 2014 à des milices parmi lesquelles celle de "Al Radaa". Un rapport d’experts des Nations unies sur la Libye, paru en juin 2017 a mis en garde contre l'utilisation de ce matériel contre les civils, ces équipements ayant été utilisés dans des kidnappings de civils selon des informations recueillies par les experts de l’ONU.


Basée au nord-est de la capitale, Al Radaa est composé de près 1500 combattants sous le commandement d’Abderraouf Kara, chef de guerre salafiste. La milice, une des plus puissantes de Tripoli soutient ouvertement le gouvernement Sarraj. Le 29 avril dernier, selon plusieurs témoins, des membres de “Al Radaa” ont enlevé Suleiman Qashout et Ahmed Yaacoubi deux anciens journalistes et organisateurs “Septimus Award” qui récompense chaque année journalistes, médias et artistes libyens. Depuis, leurs proches n’ont eu aucune nouvelle.


La Libye est 162ème au Classement mondial de la liberté de la presse de RSF.

Publié le
Mise à jour le 16.05.2018