La justice reconnaît l'illégalité de l'arrestation

Reporters sans frontière se félicite de la décision prise le 7 avril 2014 par la juge Mumcy Dlamini d’abandonner les charges pesant contre Bheki Makhubu, le rédacteur en chef du magazine politique mensuel The Nation et Thulani Maseko, l’avocat des droits de l’homme et chroniqueur. Les deux hommes détenus depuis le 18 mars ont été immédiatement libérés. Cette décision résulte d’une procédure lancée par les deux accusés contestant la légalité de leur arrestation. Dans son arrêt, la juge a précisé que le mandat contre les deux hommes était illégal, notamment car il n’avait pas respecté les procédures et avait été émis par une juridiction se trouvant sous l’autorité d’une des parties prenantes à l’affaire. Le jugement précise que « Si le président de la Cour Suprême avait eu connaissance de ces éléments il n’aurait pas émis le mandat d’arrêt ». ------------------------------------------------------------------------------------------- 04/04/2014 - Au pays du roi les journalistes comparaissent les fers aux pieds Reporters sans frontières est révoltée du traitement inhumain et dégradant auquel les autorités du Swaziland soumettent le rédacteur en chef du magazine politique mensuel The Nation, Bheki Makhubu, dans le cadre de la procédure qui l'oppose au président de la Cour suprême, Michael Ramodibedi. Lors d'une audience tenue le 1er avril le journaliste est apparu entravé de fers aux pieds au prétexte qu'il représenterait un "risque sécuritaire". La réponse sibylline de la porte-parole du gouvernement, Mme. Sanele Mngotmetulu Nxumalo aux préoccupations des proches de l'accusé n'a pas permis de mieux comprendre quel était ce risque: "C'est l'une des choses qui reste secrète. La sécurité est très secrète. Donc, si je vous disais quand, comment, pourquoi et à qui nous apposons des entraves, ceci pourrait compromettre notre sécurité. La sécurité est très importante pour nous." Incarcéré depuis le 18 mars avec l'avocat des droits de l'homme et chroniqueur, Thulani Maseko, Bekhi Makhubu n'a toujours pas été notifié de la date de son procès. "Cette humiliation s'ajoute au traitement inique dont est victime le journaliste depuis son arrestation le 18 mars 2014. Sans revenir sur la légalité du mandat d'arrêt délivré par le plaignant lui même, le président de la Cour suprême, Michael Ramodibedi, ni sur la procédure à huis clos qui a mené à l'enfermement de Bheki Makhubu et de Thulani Maseko pendant plus de 10 jours, il est scandaleux de voir ces hommes de plume comparaitre enchaînés comme de dangereux forcenés ! Il doit être mis immédiatement terme à ce traitement dégradant qui va à l'encontre des dispositions de la Conventions internationale contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, que le Swaziland a ratifié en 2004", réagit Cléa Kahn-Sriber, responsable du bureau Afrique de Reporters sans frontières. "Il est également urgent que les autorités du Swaziland corrigent les dérives judiciaires auxquelles nous assistons dans cette affaire, où le juge en charge du dossier, Mpendulo Simelane, est lui même mis en cause dans les articles reprochés aux deux accusés. S'il ne se récuse pas lors de l'audience prévue le 9 avril, le juge Simelane pourrait se retrouver plaignant, témoin et juge à la fois! Cette situation ubuesque apporte, paradoxalement la preuve même des problèmes d'indépendance et de professionnalismes du système judiciaire décriés dans The Nation. Le plus alarmant est que ce ne serait, selon certains experts, pas la première fois qu'un tel cas de figure se présente au Swaziland", ajoute-t-elle. "Cette situation dans son ensemble montre bien que la préoccupation de justice est ici loin des esprits de ces magistrats. Ce qui est à l'œuvre est une volonté de casser l'esprit journalistique et d'investigation et d'instaurer un état de peur totalitaire." Comparaissant ce matin au tribunal, les deux prévenus ont entamé une procédure contre le président de la Cour suprême et le gouvernement du Swaziland contestant la constitutionalité de leur arrestation. Présente à l'audience, l'ambassadeur des Etats-Unis a témoigné de son soutien aux deux accusés. Au cours d'une audience le 1er avril 2014, le juge Simelane avait refusé de se récuser et reporté l'audience qui examinera sa compétence au 9 avril, maintenant les deux hommes en prison entre-temps. Joint par Reporters sans frontières, un expert des médias au Swaziland dénote une véritable confusion quand aux procédures légales en cours. "On a l'impression que la Cour invente la procédure au fur et à mesure. Cela fait qu'il est très difficile pour les journalistes de couvrir les débats. De plus la menace d'accusation d' "outrage au tribunal" a un effet dissuasif sur les médias qui craignent d'être poursuivis en justice. Le Swaziland, seule monarchie absolue du continent africain, occupe le 156e rang du Classement mondial 2014 sur la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières. Photo:Bheki Makhubu, Inforrm
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Updated on 20.01.2016