La justice iranienne interdit Telegram dans l’ensemble du pays
Le blocage total de l'application Telegram a été ordonné par la justice iranienne. Une décision qui verrouille un peu plus l’information en Iran et qui perturbe fortement le trafic internet dans le pays.
Telegram, le réseau de messagerie le plus populaire d’Iran est accusé de tous les maux ou presque par la deuxième chambre du Parquet pour la Culture et les Médias. Dans sa décision rendue le lundi 30 avril, la justice iranienne reproche notamment à Telegram “d’avoir perturbé l’union nationale, d’avoir permis à des pays étrangers d’espionner l’Iran en accédant à de nombreuses informations réunies sur le pays et ses citoyens, d’avoir répandu des insultes envers ce qui est sacré et religieux, diffusé de la publicité contre l’islam ainsi que des fausses informations destinées à troubler l’opinion publique, d’être utilisé par Daesh contre la sécurité nationale, etc.»
La justice iranienne a rendu sa décision indépendamment du gouvernement qui s’est implicitement dissocié de cette mesure dans un communiqué diffusé le lendemain. Le président Hassan Rohani s’était à plusieurs reprises engagé à « ne pas autoriser le blocage des réseaux sociaux ». Mais la justice a visiblement suivi les pas du guide suprême Ali Khamenei qui avait demandé le blocage définitif de la messagerie sécurisée après les protestations populaires qui avaient secoué le pays en janvier dernier. Plusieurs applications, dont Telegram, avait d’ailleurs déjà été bloquées au début de l’année pendant 12 jours.
A la mi-avril, une première directive a interdit les université, les écoles, les établissement étatiques et notamment les médias d’utiliser les applications de messageries étrangères pour leur communication extérieure. C’est à ce moment là que le guide suprême l'ayatollah Ali Khamenei, le président Hassan Rouhani et son vice-président Eshaq Jahangiri, ont alors fermé leur compte Telegram.
Depuis le 1er mai, date à laquelle a commencé à s’appliquer la décision de justice ordonnant aux opérateurs téléphoniques et aux fournisseurs des services internet de “bloquer totalement Telegram et ne permettre à aucun logiciel d’y accéder”, l’accès à internet est très perturbé en Iran. Cependant, l’application reste accessible via des VPN, exactement comme Facebook et Twitter qui sont, en principe, officiellement interdits en Iran depuis plusieurs années.
“La République islamique d’Iran n’a toujours qu’une seule et unique proposition: verrouiller chaque jour un peu plus l’information, empêcher les journalistes de faire leur travail, nier au peuple iranien le droit fondamental d'être informé et lui donner seulement une vision limitée de la réalité avec un ‘internet halal’ totalement sous contrôle,” dénonce Reza Moini, responsable du bureau Iran-Afghanistan de RSF.
Le blocage de Telegram a été ordonné alors que les autorités iraniennes cherchent à promouvoir un “Internet halal”, c’est-à-dire un réseau d'information national et des services de messagerie uniquement développées en Iran. Depuis plus d’un mois, les internautes sont vivement encouragés à utiliser la messagerie Soroush, qui a été créée par des sociétés proches de la radio télévision nationale totalement sous contrôle des autorités, et ce au détriment de Telegram, qui revendiquait jusqu’à présent 40 millions d’utilisateurs, soit près d’un Iranien sur deux. Le réseau, qui permet des communications cryptées, est utilisé au quotidien par des entreprises, des responsables politiques, des particuliers et des médias.
L’Iran se trouve à la 164e position sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2018 de Reporters sans frontières.