La criminalisation de la diffamation, un frein à la liberté de l’information en Birmanie

Reporters sans frontières (RSF) exhorte le gouvernement birman à amender la loi de 2013 sur les télécommunications après la condamnation, le 7 avril dernier, de Myo Yan Naung Thein, chercheur et directeur de Burma Democratic Concern (BDC), à six mois de prison pour la publication en ligne d’un texte critique envers le chef des forces armées birmanes Min Aung Hlaing.

Myo Yan Naung Thein a été reconnu coupable de diffamation et condamné à 6 mois de prison en vertu de la section 66(d) de la loi sur les télécommunications qui prévoit des peines pouvant s’élever à trois ans d’emprisonnement pour “l’extorsion, la coercition, la diffamation, l’influence illégitime, la gêne, la menace de tout individu au moyen des réseaux de télécommunications”. Sur décision des autorités, le chercheur âgé de 43 ans a été remis en liberté le 12 avril au matin. Arrêté en octobre dernier et détenu à la prison d’Insein malgré ses demandes de remise en liberté sous caution, Myo Yan Naung Thein avait publié un article sur son compte Facebook, critiquant le chef des armées dans la gestion de l’attaque de trois postes-frontières dans l’Etat d’Arakan le 9 octobre 2016, et dans les violences qui avaient suivi cette attaque, faisant près de 90 victimes. Myo Yan Naung Thein, membre de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), militant de la Génération 88 (groupe d’étudiants démocrates ayant participé aux manifestations de 1988) emprisonné par la junte à plusieurs reprises, dirige notamment l'organisation Burma Democratic Concern, visant à restaurer la démocratie, les droits de l’homme et l’Etat de droit en Birmanie, et contribue à son site web.


Selon la presse locale, il est la 7e personne à être emprisonnée pour diffamation, depuis l’instauration du gouvernement dirigé de facto par Aung San Suu Kyi, en 2016. Soixante-six personnes ont été inculpées de violation de l’article 66(d) depuis l'adoption de la loi en 2013, dont 54 sous l’actuel gouvernement.


Malgré sa libération anticipée, cette condamnation est une insulte à la liberté de l’information acquise depuis 2012 en Birmanie, déclare Benjamin Ismaïl, responsable du bureau Asie-Pacifique à Reporters sans frontières. Elle illustre l’échec actuel du gouvernement d’Aung San Suu Kyi à établir un environnement favorable pour la liberté d’expression, dans lequel les net-citoyens, les blogueurs et les journalistes n’auraient plus à pratiquer l’autocensure ni à craindre de devenir des prisonniers d’opinion. En l’état, la loi sur les télécommunications empêche toute amélioration de la liberté d’expression et du droit d’informer en Birmanie. Elle doit être amendée sans plus attendre".


En 2016, la section 66(d) de la loi sur les télécommunications avait déjà été utilisée contre Than Htut Aung et Wai Phyo, directeur et rédacteur en chef d’Eleven Media. Tous deux ont été libérés sous caution après presque deux mois d’emprisonnement et le versement d’une caution d’environ 70 000 € en janvier 2017. Ils avaient été reconnus coupables de diffamation à l’encontre du ministre en chef de la région de Yangon, Phyo Min Thein.


La Birmanie occupe toujours le bas du Classement mondial de la liberté de la presse en 2016, à la 143ème place sur 180 pays.

Publié le
Updated on 23.08.2019