La candidature de Mostafa Pour-Mohammadi au Ministère de la Justice doit être retirée
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Le nouveau président iranien, Hassan Rouhani, devrait immédiatement retirer la candidature de Mostafa Pour-Mohammadi au poste de ministre de la Justice,” ont déclaré aujourd'hui Reporters sans frontières, la Campagne internationale pour les droits de l'homme en Iran, et Human Rights Watch. Lors de sa cérémonie d'investiture le 4 août 2013, Rouhani a présenté au parlement iranien la liste des candidats aux postes ministériels.
Mostafa Pour-Mohammadi était ministre de l'Intérieur sous le premier mandat de l'ancien président Mahmoud Ahmadinejad, de 2005 à 2008. Il a été ministre adjoint des renseignements de 1990 à 1999. Des groupes de défense des droits de l’homme l’ont accusé d’être impliqué dans des exactions qui pourraient constituer des crimes contre l'humanité, notamment l’exécution de milliers de dissidents politiques en 1988 et l’assassinat de plusieurs intellectuels dissidents importants en 1998. En devenant ministre de la Justice, il pourrait avoir une influence sur la manière dont sont dirigées les enquêtes sur les violations des droits de l'homme en Iran.
"Tout au long de sa campagne électorale, Rouhani a promis à plusieurs reprises de défendre les droits du peuple iranien et de lutter contre les violations graves des droits de l’homme», a déclaré Hadi Ghaemi, directeur exécutif de la Campagne internationale pour les droits de l'homme en Iran. "Plutôt que de placer Mostafa Pour-Mohammadi au poste de ministre de la Justice, les autorités doivent se conformer à leurs obligations internationales et enquêter sur les atteintes aux droits l’homme qui lui sont attribuées. Le parlement devrait refuser de soutenir sa nomination dans le cas où elle serait maintenue."
Dans le rapport intitulé “Ministers of Murder," (“Les ministres du meurtre,”) publié en 2005, Human Rights Watch a documenté l’implication directe de Mostafa Pour-Mohammadi dans les exécutions extrajudiciaires de milliers de prisonniers politiques. Pendant l’été 1988, Mostafa Pour-Mohammadi, alors adjoint très apprécié du ministre des Renseignements, a participé à une commission chargée d'interroger des milliers de prisonniers politiques, qui en condamna un grand nombre à la potence. Ces condamnations à mort ont été prononcées alors même que des tribunaux révolutionnaires les avaient déjà jugés, déclarés coupables et condamnés la majorité d'entre eux à la prison. Pour la plupart, ils ont été accusés, lors de ces procès iniques, d'atteinte à la sécurité nationale.
En l'espace de quelques semaines, au cours de l’été 1988, Mostafa Pour-Mohammadi et d'autres fonctionnaires siégeant dans des commissions similaires dans tout le pays ont interrogé des milliers de prisonniers politiques, y compris des journalistes, afin de déterminer si ceux-ci restaient fidèles à leurs convictions, ou s’ils étaient prêts à se repentir de leurs «crimes». Après des interrogatoires qui ne duraient souvent que quelques minutes et qui ne ressemblaient en rien à de vrais procès, les membres de la commission ont condamné à mort ceux qui refusaient de renoncer à leurs activités politiques. Les autorités ont procédé à des exécutions en vertu d'une fatwa (édit religieux), émis par l'ancien chef suprême, l'Ayatollah Khomeini et d’ordres donnés par des fonctionnaires judiciaires de haut niveau.
L'article 160 de la Constitution iranienne stipule que le ministre de la Justice a «autorité sur toutes les questions concernant la relation entre le pouvoir judiciaire d'une part, et les pouvoirs exécutif et législatif d'autre part." Il stipule également que le ministre de la Justice doit être choisi par le président parmi une liste recommandée par le chef du pouvoir judiciaire. Le rôle et l'influence du ministre de la Justice relève en grande partie du domaine administratif.
Les exécutions systématiques et commanditées qui ont eu lieu en 1988 pourraient constituer des crimes contre l'humanité, a déclaré Human Rights Watch dans son rapport de 2005. Ce mois d’août 2013 marque le 25ème anniversaire du massacre de la prison de 1988. Les proches des victimes, ainsi que la communauté des défenseurs iraniens des droits de l'homme, se préparent à commémorer cet évènement. Les responsables gouvernementaux iraniens ont à maintes reprises harcelé, convoqué et arrêté des membres des familles des personnes exécutées, parfois en les empêchant d’organiser des cérémonies en l’honneur des victimes.
"La nomination de Mostafa Pour-Mohammadi serait non seulement un coup dur pour tous ceux qui luttent contre l'impunité en Iran, mais aussi une humiliation de plus pour les familles des journalistes et des dissidents exécutés ou torturés lorsqu’il était au pouvoir", a déclaré Lucie Morillon, directrice de la recherche à Reporters sans frontières. "Il ne faut pas sous-estimer l'effet dissuasif que sa nomination pourrait avoir pour les journalistes et autres acteurs de l’information. Les Iraniens ont plus que jamais besoin d’être correctement informés afin de prendre des décisions en toute connaissance de cause. Les médias doivent pouvoir jouer correctement leur rôle de contre-pouvoir."
Mostafa Pour-Mohammadi a été le directeur des opérations de renseignements extérieurs au sein du ministère des Renseignements de 1990 à 1999. Au cours de cette période, des dizaines de dissidents iraniens ont été assassinés à l'étranger. L'Iran n'a entrepris aucune investigation crédible afin de lever le voile sur les éventuelles implications de Pour-Mohammadi dans ces meurtres.
Mostafa Pour-Mohammadi a peut-être aussi été impliqué dans les assassinats de plusieurs membres de l’élite intellectuelle dissidente. En 1998, des agents du ministère des renseignements ont assassiné au moins cinq éminents intellectuels, dont plusieurs journalistes, à Téhéran. Ces assassinats sont devenus connus sous le nom de “meurtres en série.” Le gouvernement de l'ancien président iranien Mohammad Khatami avait ouvert une enquête sur ces meurtres en 2000.
En 2005, deux sources ayant une connaissance de première main ont déclaré à Human Rights Watch que Mostafa Pour-Mohammadi avait été mis en cause lors de ces enquêtes et qu'un mandat d'arrêt devait être émis contre lui. Cependant, avant que mandat d’arrêt ne puisse être lancé, les autorités auraient préféré le forcer à démissionner afin de mettre un terme à l'affaire.
Human Rights Watch a écrit à Mostafa Pour-Mohammadi le 28 octobre 2005 en lui demandant de réagir à ces allégations, mais il n'a pas répondu.
"Tout au long de sa campagne électorale, Hassan Rouhani a promis à plusieurs reprises de défendre les droits du peuple iranien et de lutter contre les violations graves des droits de l’homme”, a déclaré Joe Stork, directeur par intérim du bureau Moyen-Orient à Human Rights Watch. “La nomination de Mostafa Pour-Mohammadi au poste de ministre de la Justice envoie un message particulièrement préoccupant quant à l'engagement du nouveau président à respecter les obligations juridiques internationales de l'Iran."
Publié le
Updated on
20.01.2016