Iran : les journalistes toujours victimes d’arrestations arbitraires et de maltraitance en prison
Quatre journalistes ont été arrêtés arbitrairement en Iran le 26 décembre 2019, portant à 12 le nombre de professionnels de l’information incarcérés depuis le début du mouvement de protestations contre le régime le 16 novembre. Parallèlement, Narges Mohammadi et Hengameh Shahidi, deux journalistes emprisonnées à la prison d’Evin, ont été victimes de traitements inhumains et dégradants de la part de l’administration pénitentiaire.
C’est un nouveau coup dur pour les journalistes iraniens. Le 26 décembre 2019, la police iranienne a procédé à une vague d’arrestations alors que se tenait une cérémonie à SomehSara (nord de l’Iran) en souvenir d’un manifestant décédé le 16 novembre lors du mouvement de protestation contre le régime iranien. Parmi les participants appréhendés se trouvaient quatre journalistes : Jelveh Javaheri, Kaveh Mzadari, Forough Sameinia, qui travaillent pour des médias d'information en ligne, notamment pour le site Bidarzani (Réveil des femmes), et Ahmad Zahedi Langroudi, le directeur du mensuel GhilanOuja. Toutes les personnes arrêtées ont été libérées, à l’exception des quatre journalistes qui ont vu leur libération conditionnelle soumise au versement d’une caution de 100 millions de tomans, soit près de 27 000 euros. Ils ont été transférés à la prison de Lakan, près de la ville de Rasht (province de Gilan, dans le nord-est de l’Iran), dans laquelle ils sont toujours incarcérés, sans que ni leurs avocats ni leurs familles n’en connaissent les raisons.
Ces arrestations ne sont que l’un des nombreux épisodes des pressions exercées par le pouvoir iranien contre les journalistes, répression qui s’est intensifiée depuis le début du mouvement de manifestation contre le régime. Ainsi, le 25 décembre dernier, la journaliste et militante des droits humains Narges Mohammadi, emprisonnée depuis le 5 mai 2015 dans la prison d’Evin à Téhéran, a été passée à tabac par des membres de l’administration pénitentiaire. Appelée pour venir rencontrer son avocat dans les bureaux de la direction de l’établissement, elle s’est en réalité retrouvée face au directeur de la prison Gholamreza Ziayi et à un responsable du ministre des Renseignements qui l’ont informée qu’elle allait être transférée à la prison centrale de Zanjan, à 300 km de Téhéran. Alors que la journaliste protestait, elle a subi un déferlement de coups portés par le directeur de la prison lui-même et de plusieurs gardiens. Narges Mohammadi a ensuite été embarquée de force dans une ambulance qui l’a conduite à Zanjan. Dans une lettre ouverte envoyée depuis cette prison, la journaliste raconte les violences inouïes qu’elle a subies au cours de cet épisode surréaliste. Malgré des constatations sans appel d’un médecin légiste – hématomes et traces de traumatisme physique constatés sur le corps de la journaliste – l’administration de la prison d’Evin et le porte-parole du ministère de la Justice démentent ces accusations.
La journaliste de 47 ans, également porte-parole du centre des défenseurs des droits de l’Homme en Iran, purge une peine de 10 ans de prison. Initialement condamnée à 16 ans de privation de liberté par un tribunal de Téhéran, notamment pour « adhésion au groupe interdit Pas à pas contre la peine de mort », pour avoir « participé à un rassemblement et collusion contre la sécurité nationale » et pour « propagande contre l’État », sa peine a été réduite conformément à une loi de 2015 selon laquelle une personne condamnée pour plusieurs crimes ou délits ne purge que la peine principale.
Plus récemment, le 1er janvier 2020, une autre affaire est venue s’ajouter à la longue liste des traitements inhumains et humiliations exercés contre des professionnels de l’information. La journaliste Hengameh Shahidi, incarcérée depuis un an et demi, obtient son transfèrement de la prison d’Evin vers un hôpital pour un examen médical. La journaliste, notamment atteinte d’une pathologie cardiaque, attendait cet examen depuis plusieurs mois. Mais au lieu d’une unité de cardiologie, la journaliste a été transportée… dans un hôpital psychiatrique. À la suite de ses protestations véhémentes et après avoir opposé une farouche résistance, elle est rentrée à la prison d’Evin, a fait savoir son avocat Me Mostafa Turk Hamedani. Hengameh Shahidi, également militante du droit des femmes et ancienne conseillère du réformateur Mehdi Karoubi, a été arrêtée le 25 juin 2018 et condamnée le 1er décembre 2018 à douze ans et neuf mois de prison ferme pour avoir « proféré des insultes contre la justice et ses responsables » après l’emprisonnement de journalistes et militants. L’état de santé de Hengameh Shahidi, atteinte de plusieurs pathologies, est préoccupant, selon sa famille et son avocat.
“Le rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des droits de l’Homme en Iran, Javaid Rehman, doit intervenir de toute urgence, alerte Reza Moini, responsable du bureau Iran/Afghanistan de RSF. Nous rappelons que le traitement inhumain et dégradant réservé aux prisonniers d’opinion, notamment aux journalistes et aux journalistes-citoyens, constituent une violation flagrante de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dont l’Iran est partie prenante.”
L’Iran se situe à la 170e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse 2019 de RSF