Interdiction et censure des critiques sur la gestion des inondations

L’inquiétude sur la situation des inondations en Chine s’est généralisée, dans le pays et à l’étranger. Sur les médias et l’Internet chinois, on se demande pourquoi le système de drainage de la ville de Pékin n’a pas permis d’’éviter la catastrophe, et pourquoi les autorités n’ont pas mieux averti les habitants de la capitale. Face à la montée des critiques, le Département de la propagande de Pékin a demandé aux médias d’éviter toute allusion à un manquement de la municipalité concernant la gestion des intempéries. Plusieurs commentaires et articles ont ainsi été supprimés ou bloqués. La Chine n’avait pas connu un tel déluge depuis près de 61 ans. La tempête qui a atteint Pékin, dans la nuit du 20 au 21 juillet, a causé la mort d’au moins 77 personnes. Très vite, les témoignages des habitants sur Internet, dans les blogs et sur les réseaux sociaux, ont permis la mise en place d’un système d’entraide palliant l’inefficacité des autorités chinoises sur le terrain. C’est notamment sur la plateforme Weibo (équivalent de Twitter en Chine) que les victimes ont pu organiser un véritable réseau de solidarité. Plusieurs journaux chinois ont critiqué le système de drainage des eaux, jugés inefficaces. Ils ont ainsi comparé les dégâts importants dans les rues inondées de la capitale, pourtant modernisée lors des Jeux Olympiques de 2008, à ceux presque inexistants de la Cité interdite, protégée par des fossés pluri centenaires. Reconnaissant l’ampleur de la catastrophe, le 21 juillet 2012, le Département de la propagande du Comité municipal de Pékin a annoncé, à la suite d’une réunion portant sur les inondations, la nécessité de maintenir une certaine “stabilité” de l’opinion publique. Jugeant qu’elle dépendait des médias, Lu Wei, le directeur du Département, a ordonné à ces derniers de ne relater que les “actes méritant des éloges et des larmes', tels que les gestes héroïques des services de secours ou de certains habitants. Des réactions sur plusieurs micro-blogs, notamment sur Sina Weibo, ont ainsi disparu ou se sont retrouvés bloqués. Les réactions précédées de la mention “permission denied”, sur Sina Weibo, sont celles qui n’ont pas été supprimées par ceux qui les ont postées mais par les modérateurs de Weibo. L’article 'Totem' (version originale chinoise), du blogueur Li Chengpeng, rapportant la dépense par la ville de Pékin de 6 milliards de yuans pour des camions, alors que seules des voitures de civils ont été vues aidant les victimes, est désormais inaccessible sur son blog. Le commentaire sarcastique d’un journaliste et vétéran chinois, Gong Xiaoyue (龚晓跃), ironisant sur la manière dont la situation est gérée par les autorités, a été supprimé de la plateforme : “...Mille mercis à ce gouvernement de plus de 5000 ans, pour nous permettre, durant notre courte vie, de vivre autant de catastrophes du siècle”. À l’occasion du dialogue annuel entre la Chine et les Etats-Unis, à Washington, le secrétaire d’Etat adjoint, Michael Posner, a déclaré avoir évoqué les cas d’activistes, d’avocats et de blogueurs victimes de la répression du gouvernement. La Chine fait partie de la liste des pays ennemis d’Internet établie en 2012 par Reporters sans frontières et se situe à la 174e place, sur 179 pays recensés, dans le classement mondial de la liberté de la presse 2011-2012.
Publié le
Updated on 20.01.2016