En période pré-électorale, les médias congolais interdits d’émissions politiques

Entre menaces et interdiction d’aborder des sujets politiques, les journalistes congolais peinent à travailler. La liberté de la presse est ainsi de plus en plus remise en question alors même que le pays est plongé dans un climat électoral tendu.

Les journalistes comptent parmi les premières victimes des tensions politiques que connaît le pays depuis que le gouvernement a annoncé une modification de la Constitution avant l’élection présidentielle de 2016. Certains ont du entrer en clandestinité pour leur sécurité. Des menaces venant d’hommes armés ont été proférées à l’égard des journalistes, tantôt pour avoir diffusé des interviews compromettantes, tantôt pour avoir dénoncé un détournement de fonds. Des médias communautaires et confessionnels de Likasi, au Katanga, ont également subi une censure . Le 12 juin, le chef de service urbain de la communication et des médias, Monsieur Mulongo wa Kabikuyu, a annoncé qu’il interdisait aux médias communautaires et confessionnels d’organiser des émissions politiques alors même que la région s'apprête à connaître des élections locales. Ces mesures restrictives s’inscrivent dans un contexte très tendu. En effet, la récente annonce de réforme constitutionnelle fait craindre à l’opposition que le président Jospeh Kabila cherche à briguer un nouveau mandat, ce qui lui est, pour l’heure, interdit. « Nous demandons aux autorités de garantir la liberté d’expression et d’assurer la sécurité des journalistes afin de leur permettre d’apporter leur contribution au débat démocratique » déclare Virginie Dangles, adjointe de la directrice de la Recherche à Reporters sans frontières. « Enfin, nous appelons les autorités de Likasi à lever l’interdiction décidée le 12 juin d’organiser des émissions à caractère politique ». Menaces en série Outre cette récente interdiction, les cas d’atteinte à la liberté d’expression se sont multipliés ces derniers jours. Le 6 juin 2014, l’association Journaliste en danger révélait que deux journalistes de la région de Kiriba au Sud Kivu, David Munyaga et Bienvenu Malega de Radio Ondes FM avaient reçu des visites suspectes à leurs domiciles. Le 31 mai et le 1er juin, des hommes armés soupçonnés d’être des éléments de l’armée burundaise ont menacés leurs familles. Depuis, les deux journalistes vivent en clandestinité par peur d’être inquiétés. Le 10 juin, l’adjudant Dido Bilali, un gradé congolais, aurait proféré des menaces de mort à l’égard de journalistes de Radio Liberté émettant à Basoko en Province Orientale. La radio avait diffusé le 5 juin une série d’interviews relatant des exactions commises par le militaire en question. Joint par téléphone par Reporters sans frontière, le général Jean-Claude Kifwa,commandant de la 9e région militaire, a néanmoins démenti les informations diffusées par Radio Liberté affirmant « tout ceci est faux, archi-faux ». Enfin, le 11 juin, Reporters sans frontières a appris qu’un journaliste de Bandundu-ville avait reçu plusieurs menaces d’arrestations de la part d’individus de l’Agence nationale de renseignements. Selon l’Observatoire de la liberté de la presse en Afrique, Jean Kamisendu, gouverneur de la province du Bandundu, aurait ordonné l’arrestation du journaliste après que celui-ci l’a accusé du détournement de 11 millions de francs congolais dans une émission diffusée le 30 mai 2014 sur RTVS1. La République Démocratique du Congo figure à la 151e place sur 180 dans le Classement 2014 de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières.
Publié le
Updated on 20.01.2016