Egypte : RSF saisit le Groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire
Reporters sans frontières (RSF) a saisi le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire pour deux journalistes égyptiens, Hisham Gaafar et Wael Abbas, détenus chacun depuis plusieurs mois sans procès. RSF demande à l’ONU de reconnaître le caractère arbitraire de leur détention et d’appeler les autorités égyptiennes à les libérer sans délai.
Alors que la répression contre les journalistes en Egypte s’intensifie, Reporters sans frontières demande aux Nations unies d’interpeller publiquement les autorités du Caire sur la détention sans aucun motif légitime des journalistes Wael Abbas et Hisham Gaafar.
“Depuis la reprise en main du pouvoir par le général Sissi en 2013, la situation de la liberté de la presse ne cesse de se détériorer en Egypte, et les cas d'arrestations arbitraires de journalistes se multiplient, dénonce Paul Coppin, responsable du pôle juridique de RSF. Un grand nombre de journalistes sont aujourd’hui privés de liberté sans raison valable, et les cas de Wael Abbas et Hisham Gaafar ne sont que les premiers pour lesquels RSF saisit les Nations unies. Il est donc essentiel que l’ONU fasse pression sur les autorités égyptiennes et obtienne leur libération.”
Wael Abbas, 43 ans, est une figure du journalisme en Egypte. Connu notamment pour ses dénonciations des violences policières, il est le lauréat de nombreux prix internationaux, décernés entre autres par la BBC, CNN, Human Rights Watch. Journaliste et blogueur, il publiait aussi beaucoup sur Twitter, qui était jusque récemment le dernier espace de (relative) liberté d’expression en Egypte. Il était suivi par 350000 followers sur Twitter, et publiait très régulièrement des posts sur les droits de l’Homme, les exactions des forces de sécurité...
Arrêté le 23 mai 2018 à son domicile près du Caire, Wael Abbas est accusé d’appartenance à un groupe terroriste et de publication de fausses nouvelles. Ces deux accusations, presque systématiquement utilisées contre les opposants au régime, n’ont aucun fondement juridique ou factuel : les autorités n’ont pas indiqué en quoi les informations qu’il a publiées constituent des fausses nouvelles ; et il est difficile d’accorder crédit à l’accusation d’appartenance à un groupe terroriste. Wael Abbas est également un farouche opposant des Frères musulmans depuis longtemps. Le seul motif réel de l’arrestation de Wael Abbas est l’exercice de son droit à la liberté d’expression et d’information.
Hisham Gaafar, 53 ans, détenu depuis le 21 octobre 2015, est privé de liberté sans raison valable depuis 33 mois. Il est accusé d'appartenir à un groupe “terroriste” (les Frères musulmans), alors qu’il a au contraire régulièrement critiqué publiquement leurs positions. Au regard de la durée de sa détention sans procès, de l’absence de soins médicaux appropriés (Hisham Gaafar souffre de problèmes de santé), des mauvaises conditions de sa détention (sa cellule n’a même pas de lit), et des motifs fallacieux de son arrestation, la privation de liberté d’Hisham Gaafar est clairement arbitraire et contraire au droit international. Son arrestation a pour motif réel, là encore, l’exercice de son droit à la liberté d’expression.
RSF demande au groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire, organe du Conseil des droits de l’homme compétent pour se prononcer sur la conformité de cas individuels de détention au regard du droit international, de reconnaître officiellement le caractère arbitraire de la détention des deux journalistes et d’appeler les autorités égyptiennes à leur libération.
L’Egypte occupe la 161ème place sur 180 pays dans le Classement 2018 sur la liberté de la presse dans le monde établi par Reporters sans frontières. Au moins 32 journalistes et journalistes-citoyens sont actuellement emprisonnés dans ce pays pour leur travail, rarement condamnés, la plupart du temps gardés en détention provisoire des mois, voire des années, toujours pour des motifs fallacieux.