Du foot et des festivités pour faire oublier les violations de la liberté de l’information ?

La Guinée équatoriale a été choisie pour organiser la Coupe d’Afrique des Nations du 17 janvier au 8 février 2015. Le chef de l'Etat, Prédateur de la liberté de la presse, Teodoro Obiang Nguema Basogo continue de parader dans les manifestations internationales, sans que jamais ne soit mise en avant la terrible répression qui frappe la liberté de l'information dans son pays. De la Guinée équatoriale, vous ne verrez que les pelouses des stades de foot, les joueurs qui les parcourent et le public enflammé dans les gradins. Vous n’entendrez que des encouragements, des scores et des interviews sportives. Vous n’apprendrez rien de la pauvreté, de la corruption et de la répression politique qui minent le pays, car la liberté de l’information n’existe pas en Guinée équatoriale. Ce n’est pas la première fois cette année que le président équatoguinéen Teodoro Obiang Nguema Basogo, à la tête du pays depuis 35 ans, se donne des allures de dirigeant respectable. Au mois de juin 2014, la Guinée équatoriale accueillait le sommet de l’Union africaine, faisant la sourde oreille aux protestations des organisations de défense des droits de l’homme et de la liberté de l’information, dont Reporters sans frontières, qui appelaient les chefs d’Etat présents à aborder le sujet des libertés bafouées. Le bilan économique de la Guinée équatoriale est souvent présenté sous un jour avantageux dans de nombreuses publications, ou plutôt devrions-nous dire publi-reportages. "La Guinée équatoriale dispose d'atouts de valeur, notamment pétrolifères, qui semblent faire facilement oublier son triste bilan en terme de libertés fondamentales, déclare Cléa Kahn-Sriber, responsable du bureau Afrique de Reporters sans frontières. Nous appelons tous les fans de football qui vont suivre cet événement fédérateur et porteur de valeurs à ne pas oublier que la Guinée équatoriale, malgré sa façade policée, est en réalité une dictature qui étouffe les libertés de ses citoyens". En Guinée équatoriale, l’Etat possède le monopole de l’information. Si la liberté de la presse est officiellement proclamée par la Constitution, la loi de 1992 sur la presse, l’édition et les médias audiovisuels confère au gouvernements d’importants pouvoirs de censure. Les médias indépendants sont quasiment inexistants. La RTVGE, la télévision du gouvernement, est la seule disponible dans le pays, à l’exception d’une télévision privée appartenant à Teodoro Nguema Obiang Mangue, le fils aîné du président, également deuxième vice-président du pays et responsable des services de défense et de sécurité de l'Etat. La presse écrite connaît le même sort. Les quelques journaux privés tels que La Opinión, El Sol, El Time et La Nación, touchés par des difficultés financières, ne paraissent que sporadiquement. La plupart des publications privées sont la propriété de proches du pouvoir et pratiquent l’autocensure. La radio semble être la seule source d’information alternative. D’après le département d’Etat américain, les radios internationales, telles que RFI et la BBC, parviennent à émettre. L’élite, en outre, a accès aux informations venant de l’étranger par la télévision satellite et l’Internet. Mais les élections législatives de mai 2013 ont montré que rien n’était acquis : le gouvernement avait alors fait bloquer Facebook et les principaux sites d’opposition. Aujourd'hui encore, ceux-ci ne sont pas entièrement rétablis. Début novembre 2014, Lucas Nguema Esono, le ministre de la Science et de l’Education, a ravivé ces menaces en déclarant dans une interview télévisée que tous les sites internet critiquant le gouvernement seraient considérés comme terroristes. Cette déclaration éclaire d'une façon étrange l'annonce quelques mois plus tôt par le président Obiang de l'ouverture d'un dialogue national et de l'invitation aux exilés de la diaspora à revenir au pays. Les agences de presse internationales n’ont pas de correspondants réguliers en Guinée équatoriale, et le peu de journalistes étrangers autorisés à pénétrer dans le pays sont surveillés de près. En janvier 2014, Javier Blas, éditeur Afrique du Financial Times, et Peter Chapman, journaliste pour le même média, ont été arrêtés par des agents de sécurité armés alors qu’ils réalisaient un reportage sur la préparation d’une conférence sur l’investissement. A l’issue de leur détention de trois heures au ministère de la Sécurité nationale, ils ont été rapidement reconduits à l’aéroport. Leurs ordinateurs portables, carnets et enregistreurs ne leur ont pas été rendus. La Guinée équatoriale occupe la 168ème place sur 180 dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2014 établi par Reporters sans frontières. (photo : Teodoro Obiang Nguema Basogo, le président équatoguinéen, recevant des cadeaux lors de l'édition 2012 de la Coupe d'Afrique des Nations, qu'il a coorganisée avec le Gabon / AFP - Franck Fife)
Publié le
Updated on 20.01.2016