Djibouti : un journaliste arrêté après avoir été passé à tabac par la police
Reporters sans frontières (RSF) dénonce avec la plus grande fermeté les méthodes de la police djiboutienne qui a arrêté pour la deuxième fois en une semaine un journaliste déjà interpellé et violemment agressé pendant deux jours. RSF demande aux autorités de libérer ce reporter sans délai et de diligenter une enquête rapide pour identifier et sanctionner les auteurs des violences qu’il a subies.
Osman Yonis Borogeh pensait que le pire était derrière lui. Joint par RSF mercredi matin, le journaliste avait raconté ses deux journées de calvaire aux mains d’éléments de la police djiboutienne entre le mercredi 23 octobre et sa libération intervenue dans la nuit du vendredi au samedi 26 octobre. Mais le correspondant de La Voix de Djibouti, a de nouveau été arrêté hier soir, a appris RSF auprès de son avocat.
Le reporter avait raconté avoir été “roué de coups par plusieurs hommes en tenue civile” lors de son interpellation la semaine dernière. Transporté les yeux bandés dans un lieu isolé, il avait finalement été interrogé par un lieutenant de police qu’il connaissait. Il affirme avoir été successivement battu, attaché à un tronc d’arbre, déshabillé et filmé tout nu.
Le journaliste dit avoir été interrogé sur l’identité des autres correspondants de La Voix de Djibouti, seul média indépendant du pays géré depuis une rédaction en exil. Alors qu’il enquêtait depuis plusieurs jours sur des viols présumés de jeunes femmes éthiopiennes par la police, ses geôliers ont également tenté d’identifier qui travaillait avec lui sur cette enquête. Des questions lui ont aussi été posées sur ses liens avec le MRD, le principal parti d’opposition à Djibouti dont il est par ailleurs un militant. Les éléments de la police l’ont finalement menacé de diffuser la vidéo dans laquelle il apparaît nu pendant sa séquestration s’il décidait de poursuivre ses activités de journalistes.
“Arrestation en dehors de toute procédure légale, torture, humiliation, tentatives d’extorsion d’information, le témoignage glaçant de ce journaliste obtenu juste avant sa nouvelle arrestation vient rappeler l’extrême vulnérabilité de celles et ceux qui tentent de produire des informations de manière indépendante à Djibouti, estime Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. Ce journaliste doit être immédiatement libéré et nous tenons les autorités pour responsables de son sort. La gravité des faits décrits impose également une enquête sérieuse rapide afin d'en identifier précisément les auteurs et de les sanctionner”.
Djibouti est dirigée d’une main de fer par Ismaïl Omar Guelleh depuis 20 ans. Aucun média indépendant n’y est installé. Les six chaînes de télévision publiques, la radiotélévision et le quotidien La Nation sont contraints de relayer la propagande du régime. Arrestations, agressions, harcèlement judiciaire, l’arsenal déployé contre la liberté d’informer est l’un des plus importants au monde.
Le pays occupe la 173e position sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2019.