Deux journalistes italiens arrêtés à Pointe-Noire

Reporters sans frontières (RSF) dénonce l’arrestation arbitraire de deux journalistes italiens en reportage au Congo-Brazzaville, qui enquêtaient sur une vaste affaire de corruption, impliquant des proches de la famille du président de la République.

Mercredi 15 mars 2017, Luca Chianca et Paolo Palermo, deux journalistes italiens de l’émission d’investigation Reports, diffusée sur la chaîne italienne RAI 3, ont été arrêtés par des forces de sécurité en civile, et détenus arbitrairement à la Direction de la surveillance du territoire, au Congo-Brazzaville. La raison invoquée ? L’absence d’un “visa journalistique.”Ils sont restés assis sur une chaise dans une pièce de deux mètres carrés, pendant trois jours et deux nuits, séparés et sans moyens de communication.


“Qu’il soit congolais ou étranger, aucun journaliste n’a à subir ces mauvais traitements de la part du régime, déclare Cléa kahn-Sriber, responsable du bureau Afrique de Reporters sans frontières. Ces méthodes d’intimidation à l’égard de la presse étrangère en disent long sur l’attitude des autorités envers les journalistes congolais qui se retrouvent contraints de choisir entre l’autocensure ou la persécution.”


Les deux journalistes étaient arrivés deux jours plus tôt à Pointe-Noire, la deuxième ville du pays, pour interviewer Fabio Ottonello, un entrepreneur italien, impliqué dans une affaire de pots-de-vins entre la société italienne ENI et des officiels nigérians. L’affaire est actuellement devant les tribunaux de Milan et plusieurs dirigeants et ex-dirigeants de la société sont impliqués. Marié à la fille du président congolais Sassou Nguesso, Fabio Ottonello, très influent, aurait mis à disposition de l’entreprise son avion privé pour transporter en Suisse les pots de vin.


Juste avant leur arrestation, Luca Chianca et Paolo Palermo avaient prévenu leur rédacteur en chef qu’ils se sentaient menacés et avaient tenté d’envoyer leur reportage. Mais les communications internet et téléphoniques étaient bloquées dans la région de Pointe Noire.


La diplomatie italienne a réussi à obtenir leur libération en échange de la confiscation de leur matériel électronique et l’effacement de toutes leurs données. Relâchés le 20 mars, les journalistes sont aujourd’hui revenus à Rome.



Les journalistes dans le viseur des autorités


Malheureusement, tous les journalistes au Congo Brazzaville n’ont pas cette chance. Le directeur de publication du journal Talassa, Ghys Fortuné Bemba, emprisonné depuis le 11 janvier 2017, est toujours détenu et n’a toujours pas comparu devant un tribunal. Officiellement, il est accusé de complicité avec un opposant et d’entretenir l'insécurité dans le département du Pool, dans le sud du Congo.



En octobre 2015, il avait déjà été arrêté pour un article accusant le président Denis Sassou Nguesso de faire appel à des mercenaires pour s’attaquer aux opposants de la nouvelle constitution. En 2014, son entreprise de presse, Talassa avait fait l’objet de mesures administratives l'obligeant à fermer après un article constatant que le nombre d’électeurs enregistrés dans les régions favorables au président dans le nord du pays dépassait ceux du sud, dans des proportions difficilement explicables par la croissance démographique.


Le président Sassou Nguesso est à la tête du Congo Brazzaville depuis 1979 avec une interruption de 5 ans entre 1992 à 1997. Pendant ces 33 années, il a instauré un climat de plus en plus sévère pour les droits de l’homme, et particulièrement la liberté d’information. En 2015 il a fait modifier la Constitution pour pouvoir se représenter à un troisième mandat. Lors du scrutin présidentiel de mars 2016, toutes les communications internet ont été coupées dans le pays. Fréquemment arrêtés de manière arbitraires, les journalistes supportent au quotidien la censure et l’intimidation.


Le Congo Brazzaville occupe la 115e place du Classement mondial de la Liberté de la Presse 2016.

Publié le
Updated on 22.03.2017