Deux journalistes inquiétés à quelques semaines des élections législatives

Accusé de sédition, Outsa Mokone, éditeur du Sunday Standard, a été arrêté à Gaborone le 8 septembre. Son confrère, le journaliste Edgar Tsimane, lui aussi recherché par les autorités, a pris la fuite vers l’Afrique du Sud où un statut provisoire de réfugié lui a été accordé. Les locaux du Sunday Standard à Gaborone ont été perquisitionnés, le 8 septembre, par la police. Accusé d'"intention séditieuse", l’éditeur du journal, Outsa Mokone, a été arrêté et mené au poste de police, avant d'être relâché sur intervention de son avocat le lendemain. Officiellement, le mandat aurait été déclenché suite à la parution d'un article d'Edgar Tsimane quelques jours plus tôt. Le journaliste révélait l'implication du président de la République dans un accident de voiture, le 23 août à Gaborone. Egalement recherché par la police, Edgar Tsimane, dont un parent travaille au sein du Directorate of Intelligence and Security (DIS), l’agence nationale des renseignements, a fui le pays avant que la police ne l'arrête. Etrangement, lors de la perquisition, l’ordinateur d’Edgar Tsimane n’a pas été saisi. La police a uniquement confisqué l’ordinateur d’Outsa Mokone, qui avait signé au cours des mois précédents plusieurs articles dénonçant la corruption au sein du DIS. Il y a quelques mois déjà, le DIS avait traduit le Sunday Standard en justice pour faire cesser les publications mais avait été débouté par les tribunaux. « L'écart entre le contenu de l'article incriminé et la sévérité des accusations est injustifiable, déclare Cléa Kahn-Sriber, responsable du bureau Afrique chez Reporters sans frontières. On ne peut s’empêcher de voir ici une tentative de museler ce journal, qui a régulièrement dénoncé les scandales de corruption au sein des instances officielles. Nous demandons à la justice botswanaise d'abandonner immédiatement toutes les poursuites à l'encontre d'Outsa Mokone et d'Edgar Tsimane ». « L’accusation de sédition n’était qu’une excuse pour perquisitionner la rédaction. Les autorités sont intéressées par mes sources. Elles essaient de nous intimider à l’approche des élections, et ce faisant nous utilisent comme exemple pour décourager les autres médias », a expliqué Outsa Mokone à Reporters sans frontières. Pour son avocat, Dick Bayford, la loi sur la sédition, qui date de l'ère coloniale (1964), n’a pas sa place dans un Etat constitutionnel et démocratique. Son existence fait planer une menace permanente sur les journalistes, entraînant une autocensure néfaste à la liberté de l’information. Les réactions d'indignation à l’arrestation d’Outsa Mokone ont été nombreuses. Le 10 septembre, le département d’Etat des Etats-Unis a fait part de son inquiétude face à cette violation de la liberté d’information. Les élections législatives auront lieu le 24 octobre prochain dans ce pays d'Afrique australe. Le Parti démocratique du Botswana, dirigé par le président, mettra alors en jeu sa suprématie à l’Assemblée nationale. Depuis les élections de 2009 qu’il avait remportées avec 53,26 % des voix, le Parti démocratique du Botswana occupe 45 des 57 sièges du Parlement. Le Botswana, jusqu’alors pays sûr pour les journalistes, est en 41ème position dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2014 établi par Reporters sans frontières. (en photo: Outsa Mokone)
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Mise à jour le 20.01.2016