Dans sa réponse à RSF, la cheffe de l’exécutif Carrie Lam ne parvient pas à rassurer sur la liberté de la presse à Hong Kong
Dans une lettre signée par sa secrétaire particulière, la cheffe de l’exécutif Carrie Lam répond à la lettre ouverte de Reporters sans frontières sans toutefois sembler prendre la mesure de la menace qui pèse sur la liberté de la presse à Hong Kong.
Le 12 août, la cheffe de l’exécutif hongkongais Carrie Lam a répondu par écrit, par la plume de sa secrétaire particulière Mme Maggie Wong, à la lettre ouverte que lui avait adressé le 26 juillet le secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF) Christophe Deloire. La lettre avait été publiée dans six médias : South China Morning Post, Apple Daily News, Liberty Times, Hong Kong Free Press, Taipei Times et BuzzOrange. Dans cette lettre, RSF formulait cinq revendications pour rétablir le plein exercice de la liberté de la presse dans la région administrative spéciale chinoise.
Dans la lettre en réponse (voir le texte intégral en pièce jointe), la cheffe de l’exécutif prétend que le projet de loi d'extradition ne constitue pas une menace pour les journalistes et leurs sources. Elle estime que les forces de l’ordre respectent « le droit des médias de rendre compte des événements et des incidents publics » et promet qu’elles « enquêteront activement sur des actes illégaux et violents. » Concernant l’état global de la liberté de la presse à Hong Kong, elle met l’accent sur les « mécanismes mis en place de longue date » pour faciliter le travail des journalistes, dont « des services de presse ouverts 24 heures sur 24. »
Langue de bois
« Cette réponse empreinte de langue de bois n’est pas convaincante car elle reprend les mêmes arguments creux avancés depuis le début de la crise, estime le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire. « Carrie Lam ne pourra régler la crise actuelle que si elle prend d’abord la juste mesure de la menace qui pèse sur la liberté de la presse à Hong Kong. »
Depuis début juin, la région administrative spéciale de Hong Kong (HKSAR) est le théâtre de manifestations de masse contre un projet de loi d'extradition que la cheffe de l’exécutif a qualifié de « mort » mais qui n'a pas été officiellement retiré. Au cours des deux derniers mois, la police et des groupes mafieux pro-Pékin ont attaqué des journalistes à de nombreuses reprises.
Dans le Classement RSF de la liberté de la presse, la région administrative spéciale de Hong Kong (HKSAR) a chuté du 18e rang en 2002 au 73e cette année. La Chine, pour sa part, est classée 177e sur 180.
Les commentaires de RSF
Le texte ci-dessous présente les réponses de la Cheffe de l’exécutif hongkongais (en gras), suivies des commentaires de RSF:
- « Il n'est pas correct de dire que le projet de loi [d’extradition] était une menace pour les journalistes et leurs sources. » RSF: Le régime chinois a montré à de multiples reprises qu'il n'avait pas besoin de motifs réels pour punir ceux qui le critiquent. Si cette loi entre en vigueur, il n’aura plus besoin d’enlever les personnes qu’il souhaite faire taire, car il pourra tout simplement se les faire remettre sous une fausse accusation.
- « La police respecte la liberté de la presse et le droit des médias de rendre compte des événements et des incidents publics. » RSF: Au cours des manifestations de masse de ces deux derniers mois, la police a ciblé les journalistes à plusieurs reprises. Certains ont été frappés à coups de matraque, d’autres ont été visés par des tirs de gaz lacrymogènes à bout portant, et la police a mis en action des phares puissants conçus pour empêcher de photographier et de filmer.
- « La police enquêtera activement sur les actes illégaux et violents pour traduire les coupables en justice. » RSF: De nombreuses voix, dont un groupe de cinquante responsables du service d’information du gouvernement dans une lettre ouverte, ont appelé à une enquête indépendante pour faire la lumière sur les brutalités émanant de la police et de bandes mafieuses pro-Pékin.
- « Le gouvernement de HKSAR s’est depuis longtemps doté de mécanismes éprouvés pour faciliter le travail des médias et fournir de l’information aux médias et au public. » RSF: Dans un rapport publié le 7 juillet, l'Association des journalistes de Hong Kong (HKJA) a déploré « l'une des pires années » pour les journalistes depuis la rétrocession de l'ancienne colonie britannique à la Chine et a dénoncé « une politique délibérée » de restriction des libertés journalistiques.
- « Le services d’information du gouvernement et celui du département de police de Hong Kong offrent tous deux un service de presse disponible 24 heures sur 24. » La cheffe de l’exécutif Carrie Lam, les membres de son cabinet et les représentants des forces de l'ordre ont abondamment pratiqué la langue de bois et évité de répondre clairement à certaines questions durant leurs conférences de presse, créant une grande frustration chez les journalistes.
Lisez la lettre ouverte de RSF (en français, anglais et chinois) ici.
Lisez la réponse de l’exécutif de Hong Kong (en anglais et en chinois):