Danger de généralisation de la surveillance en ligne et de la censure

Reporters sans frontières apprend avec consternation du site Lenta.ru que Roskomnadzor, le service fédéral de surveillance dans le domaine des communications, des technologies de l'information et des communications de masse, a lancé un appel d’offres pour la création d’un logiciel de recherche de propos dits “extrémistes” sur Internet, incluant les correspondances privées. L’appel d’offres court jusqu’au 15 août 2011. La mesure ne sera pas mise en place avant le 15 décembre de la même année. Le logiciel, qui vérifierait textes, vidéos et sons circulant sur Internet, coûterait à la Russie un demi-million de dollars. Parmi les contenus potentiellement surveillés figurent les diffusions d'“appels publics à la réalisation d'actes terroristes”, d'"exposition publique d'emblèmes ou de symboles nazis”, d'“appels au renversement violent des bases de la construction constitutionnelle”, d'appels à la “violation de l’unité de la Fédération de Russie”, ou d’”incitation à la haine sociale, raciale, nationale ou religieuse”. Reporters sans frontières s’inquiète de la mise en place de mesures de surveillance du Web russe et de ses conséquences potentielles sur la liberté d’expression en ligne. L’organisation craint une dérive de cette veille, qui permettrait une censure de contenus sur la base de concepts aussi vagues que la “violation de l’unité de la Russie” ou des “contenus cachés et autres moyens techniques de diffusion d’informations agissant sur l’inconscient des personnes, ou ayant une mauvaise influence sur leur santé”. Roskomnadzor aura, à terme, les moyens techniques de mettre en place une surveillance généralisée du Web et ce, à des fins de retraits de contenu. Le système de veille permettrait, selon le représentant du service fédéral, Mikhail Vorobyov, de mettre en pratique une décision de la Cour suprême de juin 2010, obligeant les médias, sur demande de Roskomnadzor, à supprimer ou à modifier des contenus illégaux. L'usage du futur logiciel suscite de véritables craintes, parce qu'il pourrait remettre en cause la diffusion d’informations critiquant les membres du gouvernement, la diffusion d’informations concernant des organisations ou des mouvements politiques interdits sans mentionner cette interdiction, la diffusion d'informations sur des opérations de contre-terrorisme si cela était considéré comme pouvant nuire à de telles opérations. La Russie n’est pour le moment pas engagée dans une politique de filtrage systématique des sites comme le fait la Chine, par exemple. Mais ses dirigeants ont recours à des moyens de contrôle plus subtils, destinés non pas à empêcher la transmission de l’information mais à la modifier, souvent en menant un vrai travail de propagande, et en faisant pression sur les fournisseurs d’accès. Les tentatives de filtrage régional n’ont pas abouties en 2010. Le contrôle de RuNet passe jusqu'à maintenant par l’incitation au retrait de contenu. Cette initiative rendrait le retrait systématique. La Russie fait partie de la liste des “pays placés sous surveillance” dans le dernier rapport sur la cybercensure publiée par Reporters sans frontières le 12 mars 2011.
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Updated on 20.01.2016