Coup d’État avorté : les journalistes turcs au bord du gouffre

Reporters sans frontières (RSF) condamne fermement les attaques perpétrées contre des médias et journalistes lors la tentative de coup d’État militaire en Turquie, dans la nuit du 15 au 16 juillet 2016.

Aux alentours de minuit, des soldats ont investi les locaux du groupe audiovisuel public TRT à Istanbul et Ankara, où ils ont contraint la présentatrice Tijen Karaş à lire leur communiqué, avant d'interrompre les programmes. Un autre groupe de militaires a ensuite investi les locaux stambouliotes du groupe de presse kémaliste Doğan, qui regroupe de grands médias tels que le quotidien Hürriyet et les chaînes CNN Türk et Kanal D. Après de vives altercations, les journalistes ont été forcés d'évacuer les locaux sous la menace des armes, et les émissions ont été interrompues. Même scénario au siège du fournisseur de télévision numérique et câblée Digiturk. La police a progressivement repris le contrôle de ces bâtiments et arrêté les militaires qui les occupaient, rendant les rédactions à leur travail.


Le photoreporter de Yeni Şafak, Mustafa Cambaz, a été abattu par des soldats, après avoir appelé à la mobilisation contre le putsch sur les réseaux sociaux. Alors qu’ils couvraient les événements, Selçuk Şamiloğlu, correspondant de Hürriyet à Istanbul, et Kenan Şener, reporter de CNN Türk à Ankara, ont été violemment agressés par des manifestants loyalistes, suspicieux vis-à-vis des médias kémalistes. Hospitalisé, le premier a rapporté à RSF qu'il avait failli être jeté par-dessus bord depuis un pont. Le Premier ministre Binali Yıldırım s'est excusé ce matin auprès de la presse pour ce type d'incidents, « engendrés par le stress et l'émotion » des manifestants.


Twitter, Facebook et YouTube ont été extrêmement ralentis durant une partie de la nuit, ce qui pourrait être lié à un pic de trafic. Le président Recep Tayyip Erdoğan et ses partisans, habituellement très critiques à l’égard des réseaux sociaux, les ont abondamment utilisés pour appeler à la résistance et reprendre la situation en main.


« Les grands médias d’information, comme le reste de la société turque, ont donné cette nuit la preuve de leur attachement aux principes démocratiques, note Christophe Deloire, secrétaire général de RSF. Il est temps que les autorités en prennent acte et cessent de traiter les voix critiques comme autant de traîtres et de terroristes. Le renforcement de la cohésion nationale passera par le respect des libertés fondamentales, dont la liberté de la presse. »


Les premiers bilans officiels de ce coup d’Etat avorté font état d’au moins 265 morts et 1440 blessés. La Turquie occupe la 151e place sur 180 dans le Classement mondial 2016 de la liberté de la presse.
Publié le
Mise à jour le 16.07.2016