Coronavirus en Irak : avalanche de poursuites judiciaires contre des journalistes et blogueurs

En l’espace de trois semaines, au moins six journalistes irakiens ont été poursuivis en justice pour diffamation et risquent la prison en raison de leurs publications sur la mauvaise gestion du coronavirus par les autorités. Reporters sans frontières (RSF) s'inquiète de la résurgence de ces poursuites et appelle les autorités à laisser les journalistes exercer au nom de la liberté d’informer.

Quatre blogueurs basés à Mossoul (nord de l’Irak), Rayan Al-Hadidi, Muhanad Al-Omarey, Saher Al-Dalimi et Saker Al-Zakaria, ont appris que la justice avait émis, le 5 novembre, un mandat d'arrêt contre eux, à la suite d’une plainte pour diffamation déposée par la direction de la santé de la province de Ninive. Les deux derniers ont été convoqués ce lundi 16 novembre par le Tribunal de Mossoul puis libérés sous caution. 


Ces dernières semaines, ces blogueurs avaient ouvertement critiqué les autorités et dénoncé le manque de moyens médicaux face à la pandémie de Covid-19. Saher Al-Dalimi s'était notamment filmé en septembre dans un hôpital de Mossoul pour y montrer l’ampleur de la crise.


Dans le même temps, dans la province de Nadjaf (sud de Bagdad), le journaliste indépendant Saif Alkrawee est lui aussi visé par une plainte pour diffamation. Il est poursuivi par le directeur de la banque du sang en raison d’une vidéo remontant au mois de juillet, dans laquelle il révélait un scandale lié à un détournement des dons de sang de la ville. Contacté par RSF, le journaliste assure avoir présenté des documents officiels pour prouver ses informations. Il est convoqué ce dimanche 22 novembre par le tribunal correctionnel de Koufa. 


“Cette résurgence des poursuites judiciaires contre les journalistes irakien est très préoccupante, déclare la responsable du bureau Moyen-Orient de RSF, Sabrina Bennoui. Les autorités irakiennes doivent cesser de se servir de la diffamation pour empêcher les journalistes de formuler toute critique en cette période cruciale de crise sanitaire ou l'accès à l'information est vital”.


Les poursuites en diffamation de ces dernières semaines ne se limitent pas aux écrits portant sur le coronavirus. Le 22 octobre c’est une journaliste basée à Bagdad et correspondante du Middle East Eye, Suadad Al-Salhy, qui a fait l’objet d’un mandat d’arrêt. Elle est poursuivie pour avoir publié un article impliquant le guide suprême iranien. Avant elle encore, le journaliste Bahroz Jafar, basé à Souleymanieh (Kurdistan irakien), a été emprisonné pendant une semaine, à la suite d’un article publié dans le média en ligne Peyser Press, considéré comme diffamant à l'égard du président de la république Barham Saleh.


L’Irak occupe la 162e place au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF.

Publié le
Mise à jour le 18.11.2020